Livret santé bucco-dentaire

Préfacé par le Professeur Martine Bonnaure-Mallet, ce livret retrace l'histoire de la santé bucco-dentaire : hygiène, parodontie, détartrage, logiciels d'imagerie...

1. Préface du Martine Bonnaure-Mallet

La santé bucco-dentaire, la science des multiples technologies

Pr Martine Bonnaure-Mallet – PU-PH en sciences biologiques, université Rennes 1 – Présidente de l’Institut français pour la Recherche odontologique (IFRO)

Rédiger un ouvrage sur l’innovation en santé bucco-dentaire est un défi de taille à plusieurs titres : ces dernières années des évolutions majeures dans toutes les disciplines dentaires ont vu le jour révolutionnant la filière « odontologie ». Ces évolutions évoluent au quotidien : comment mettre un point final ?

L’innovation en santé bucco-dentaire a ses caractéristiques propres : elle est pluridisciplinaire, multi-disciplinaire et multi-échelle. Elle embrasse un large éventail de technologies, alliant les plus nouvelles d’entre elles, notamment celles du numérique.

L’innovation en santé bucco-dentaire est toujours au bénéfice du patient. Elle concerne tous les types d’innovations décrits dans le Manuel d’Oslo. Ainsi, l’innovation en matière de produits permet aujourd’hui de penser dentisterie micro-invasive, d’agir vers la régénération plutôt que la réparation.

Les innovations de procédés sont en particulier marquées par la CAD-CAM, technologie digitale qui permet de concevoir et de fabriquer des prothèses de restauration dentaire précises et de la plus haute qualité. Elle se complète remarquablement avec les techniques d’empreinte dentaire numérique.

L’innovation d’organisation est remarquable dans les cabinets de groupe où sont mutualisés les différents équipements de dernière génération (radiologie, chaîne d’asepsie) pour plus d’efficacité et de performances. Ces chaînes nouvelles font des cabinets dentaires des lieux où la médecine des 4P (prédictive, préventive, personnalisée et participative) est omniprésente.

Les innovations dans notre profession contribuent à la mise en œuvre de la médecine de demain. Prédictive avec les nouveaux tests de diagnostics ; préventive avec les innovations dans les dentifrices, allant du dentifrice aux ingrédients naturels au dispositif médical ; personnalisée la médecine bucco-dentaire n’a jamais été une discipline où le semi-mesure a eu sa place ; participative car le patient reste maître de sa denture avec un praticien à son écoute. Il ne semble pas exister d’autres professions médicales où autant de technologies clés sont présentes et répondent déjà aux défis sociétaux d’Hôpital 2020. Avec ses multi-interfaces, l’innovation en santé bucco-dentaire bouleversera encore la médecine de demain, le patient devant en être le cœur car rien ne saurait être conçu sans lui. Le tout doit être vu comme la résultante de partenariats forts entre des patients, des confrères, des scientifiques et des industriels. Cet ouvrage retrace avec brio les innovations en médecine bucco-dentaire et constitue une véritable bible de la culture scientifique, technique et industrielle.

2. La dentisterie, une histoire ancienne

Ancêtres des chirurgiens-dentistes, les barbiers officiaient souvent sur les foires et les marchés, parfois en boutique, pour arracher ou limer des dents, voire réaliser des plombages. Ils disparurent au XVIIe siècle. Progressivement, leurs successeurs, professionnels de santé diplômés d’État, exercèrent dans des cabinets dentaires ordonnés, aseptisés, équipés et médicalisés pour une dentisterie de qualité.

L’histoire de la médecine dentaire, étroitement liée à celle de l’histoire de la médecine, remonte à l’Antiquité. De fait, Hérodote, vers 450 av. J.-C., rapportait qu’en Égypte, « chaque médecin soigne une maladie et une seule » et que le pays est plein de médecins spécialistes des yeux, de la tête, du ventre ou encore des dents. « Les Égyptiens remplaçaient des dents absentes par des systèmes en ivoire ou en sycomore maintenus par des fils d’or autour des autres dents, détaille le Pr Pierre Colon, Professeur des universités et praticien hospitalier à l’hôpital Rothschild de Paris. L’examen de bouche de momies a également révélé la présence de dents aurifiées. » Puis les phéniciens, commerçants et grands voyageurs, répandirent les techniques égyptiennes de part et d’autre de la Méditerranée.

L’histoire de la médecine dentaire, étroitement liée à celle de l’histoire de la médecine, remonte à l’Antiquité. De fait, Hérodote, vers 450 av. J.-C., rapportait qu’en Égypte, « chaque médecin soigne une maladie et une seule » et que le pays est plein de médecins spécialistes des yeux, de la tête, du ventre ou encore des dents. « Les Égyptiens remplaçaient des dents absentes par des systèmes en ivoire ou en sycomore maintenus par des fils d’or autour des autres dents, détaille le Pr Pierre Colon, Professeur des universités et praticien hospitalier à l’hôpital Rothschild de Paris. L’examen de bouche de momies a également révélé la présence de dents aurifiées. » Puis les phéniciens, commerçants et grands voyageurs, répandirent les techniques égyptiennes de part et d’autre de la Méditerranée.

LE TOURNANT DU XVIe SIÈCLE

Après les « arracheurs de dents » du Moyen-Âge, « vinrent les barbiers et ensuite les chirurgiens-
dentistes, poursuit le Dr Christine Lalanne dans son article « L’art dentaire à travers les âges ». Dès le XVIe siècle, le chirurgien et anatomiste français Ambroise Paré fit faire d’immenses progrès à la dentisterie : il permit l’apparition de nouvelles techniques, notamment celle de la prothèse amovible alors fabriquée à base de fémur de bœuf. Au XVIIIe siècle, le Dr Pierre Fauchard publia le premier traité de chirurgie dentaire. Il reconnut le sucre comme l’une des causes de la carie, précisa la technique de fraisage et de forage des dents et préconisa l’utilisation des plombages pour remplir les cavités dentaires. À la même époque, la technique de la prise d’empreinte dentaire fut décrite par le médecin allemand Mathias Geofroy Purman. Dès lors, les dents métalliques firent leur apparition.

DENTISTERIE MODERNE

« Au XIXe siècle furent créées les écoles dentaires, rappelle le Dr Lalanne. Il se confirme alors que la dent est bien un organe vivant. » Par ailleurs, les premiers cabinets dentaires dignes de ce nom apparurent, comprenant un fauteuil à accoudoirs, un crachoir et une armoire pour le rangement des instruments (roulettes, turbines, perceuses, sondes etc.), lesquels se développèrent considérablement à cette époque. Les progrès de l’anesthésie furent notables. « Le gaz hilarant, utilisé depuis 1776, fut remplacé par l’éther et le chloroforme puis, en 1905, par la procaïne, anesthésique local mis au point par les chimistes allemands Alfred Einhorn et Emil Uhlfelder et, ultérieurement, par la lignocaïne », détaille le Pr Colon. En outre, la découverte des rayons X, en 1895, facilita l’exploration de la mâchoire. Ces trouvailles « révolutionnèrent le diagnostic et la thérapeutique modernes », poursuit-il. En parallèle, les techniques et matériaux utilisés pour conserver, restaurer ou remplacer les dents, voire pour corriger leur malposition, se perfectionnèrent, notamment avec l’essor des dents en porcelaine (S.S. White), des amalgames dentaires (G.V. Black), des digues en caoutchouc (S.C. Barnum) ou encore, des appareils à porter la nuit (N.W. Kingsley). Dès lors, l’accent fut mis sur la biocompatibilité et la durabilité des matériaux posés en bouche, sur le confort pour le patient et sur l’esthétique. La conservation des tissus buccaux devint également une priorité, tandis que les praticiens apprirent que la dent était constituée d’émail à l’extérieur, de dentine et de pulpe à l’intérieur.

CONSÉCRATION DE L’ODONTOLOGIE

Les XXe et XXIe siècles achevèrent d’asseoir l’odontologie comme une spécialité médicale à part entière, à la pointe de la technologie. D’une part, les diplômes d’odontologie furent reconnus comme diplômes d’État, en France comme à l’étranger, des doctorats furent créés et diverses disciplines dentaires acquirent leurs lettres de noblesse (parodontologie, implantologie, chirurgie ou encore endodontie). D’autre part, les fauteuils motorisés ergonomiques, les appareils à air comprimé, les microscopes, les lasers, les localisateurs d’apex, les caméras extra et intra-buccales numériques (en deux et en trois dimensions) se généralisèrent dans les cabinets dentaires. Le développement de l’électricité et du numérique ne fut pas étranger à cette évolution. Parallèlement, les conditions d’hygiène et d’asepsie devinrent de plus en plus exigeantes pour les praticiens.

PERSPECTIVES D’AVENIR

Désormais, la conception et réalisation de couronnes, d’inlays ou encore de prothèses dentaires assistées par ordinateur, voire l’impression 3D bouleversent l’activité des chirurgiens-dentistes comme des prothésistes dentaires. Rapidité et précision sont les maîtres mots de ces techniques révolutionnaires qui devraient prendre encore plus d’ampleur dans les années à venir.

À terme, l’ingénierie tissulaire entrouvre des perspectives majeures pour l’odontologie, notamment la réparation de tissus et la dent in vitro implantée dans la bouche. L’essor du panel d’options thérapeutiques devra aller de pair avec le renforcement de la prévention et du dépistage des pathologies dentaires (caries, parodontites, lésions, cancers etc). Au-delà de l’hygiène bucco-dentaire classique (brossage des dents et bain de bouche) et de l’adaptation de l’alimentation, l’analyse génétique pourrait être envisagée. À partir de l’analyse « des gènes codant pour les protéines de l’émail et de la dentine », par exemple, notamment pour des patients à risque (« 15 % des patients » environ), « les mutations à l’origine des maladies carieuses et parodontales » pourraient être identifiées et les patients concernés, faire « l’objet d’attentions particulières », note le Pr Michel Goldberg dans l’ouvrage « 40 ans de chirurgie dentaire ». Ce dernier imagine également l’évaluation de la flore bactérienne « à l’aide de sondes moléculaires adaptées ».

« La carie est apparue au Néolithique, lors de l’utilisation des céréales », selon le Dr Christine Lalanne. Ainsi, il n’y avait « pas de carie chez l’homme de Néandertal ». Diverses études « réalisées sur des crânes d’époques variées » révèlent qu’entre 2 000 et 1 000 ans avant notre ère, « 1 individu sur 5 présentait au moins une carie » et qu’à l’époque romaine, « 1 individu sur 2 était atteint ». De nos jours, « 98 % de la population du globe est touchée, ce qui en fait le troisième fléau mondial derrière les maladies du cœur et des vaisseaux », insiste le Dr Lalanne.

3. Hygiène

Des dents saines pour un corps sain

Longtemps négligée, l’hygiène bucco-dentaire est aujourd’hui au cœur des politiques de santé publique, à l’échelle nationale comme mondiale. Les bienfaits d’une bonne hygiène dentaire sur l’état de santé général ne sont en effet plus à prouver.
Dans le domaine médical, l’hygiène est la branche qui « traite de tout ce qu’il convient de faire pour préserver et pour améliorer la santé », précise le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL). Par extension, l’hygiène regroupe également l’ensemble des mesures, procédés et techniques mis en œuvre dans cette optique. Ainsi, on entend par hygiène bucco-dentaire l’ensemble des pratiques destinées à maintenir les dents en bonne santé, à éliminer la plaque dentaire et à éviter les maladies touchant les dents et le parodonte. Plus largement, il est aujourd’hui avéré qu’une bonne hygiène et, donc, une bonne santé bucco-dentaires sont essentielles « pour l’état général et la qualité de vie » comme le précise l’OMS.

Une bonne hygiène bucco-dentaire passe à la fois par un entretien individuel et quotidien de la dentition, notamment par le brossage des dents avec des dispositifs (brosse à dents, fil dentaire, brossette interdentaire, dentifrice fluoré) adaptés à son âge, ses besoins ou encore à son mode de vie.
Il s’agit en outre d’assurer un suivi régulier auprès de son chirurgien-dentiste mais également de respecter une bonne hygiène de vie générale : avoir une bonne alimentation, pratiquer une activité sportive, éviter le tabac et l’alcool etc.

Contrairement aux idées parfois reçues, l’histoire de l’hygiène dentaire ne date pas d’hier puisque les peuples primitifs nettoyaient leurs dents au moyen d’outils aussi divers que des plumes, des bouts de bois, des brindilles ou encore des épines. Néanmoins, on ignore si ces techniques poursuivaient un objectif d’hygiène, d’esthétique ou encore de préservation des dents. Dans l’Egypte antique, déjà, on recourrait à divers procédés pour se laver les dents : pâtes à mâcher et à recracher (appelées masticatoires), bâtons de bois, poudres et même urine ! Les Romains, eux aussi, semblaient attacher une certaine importance à l’hygiène des dents puisqu’ils utilisaient également des cure-dents qui pouvaient être en os, en argent ou encore en arête de poisson et des potions à base de plantes ou encore de cendres etc. (voir encadré p.9). Des nécessaires de toilette dentaire étaient également employés par les classes sociales les plus aisées. Au Moyen-Âge, les superstitions et croyances en tous genres régentaient la vie quotidienne. L’hygiène dentaire n’y échappa pas, le curetage restant la pratique la plus courante. Cette époque, caractérisée par la toute-puissance de l’Eglise et du clergé, ne fut marquée par aucune avancée scientifique significative du point de vue dentaire en Europe. Durant le XVIe siècle, cependant, les choses évoluèrent : de nombreux traités médicaux furent publiés au cours de ce siècle, explorant les divers domaines de cette science et accordant tous une place plus ou moins importante à la question dentaire et à l’hygiène. Citons, parmi les plus illustres, le roi des chirurgiens et chirurgien des rois, Ambroise Paré. Celui-ci introduisit notamment le principe selon lequel l’hygiène dentaire n’a pas seulement une visée esthétique mais qu’elle est également essentielle pour la conservation des dents et ce, de manière quotidienne. Néanmoins, bien qu’énoncé, le principe ne rentra pas pour autant dans les mœurs et l’hygiène dentaire resta, au XVIe comme au XVIIe siècles, une prérogative des classes les plus aisées, chez lesquelles elle revêtait toujours une importance purement esthétique. Les plus pauvres, quant à eux, utilisaient toujours l’urine en guise de dentifrice, voire le tabac.

Une lente pénétration dans les mœurs

Bien qu’apparue en Chine en 1498, la brosse à dents n’arriva en Europe, et particulièrement en France, qu’au cours de la première moitié du XVIIe siècle, probablement rapportée par un explorateur. En poils de sanglier ou de cochon, l’instrument ne rencontra cependant guère de succès, en raison notamment de sa dureté qui la rendait particulièrement agressive envers les gencives, et le cure-dents restait encore et toujours le dispositif de référence. Peu à peu, le crin de cheval, moins agressif, remplaça les soies sur la brosse à dents en Occident. Toutefois, l’efficacité de ces poils d’origine animale était fort limitée et la mauvaise hygiène dentaire perdura d’une manière générale au fil du XVIIIe siècle et ce, malgré le rôle de deux personnages importants. Sous le règne de Louis XV, tout d’abord, Pierre Fauchard, considéré comme le père de la dentisterie moderne, publia son ouvrage, Le Chirurgien dentiste ou traité des dents, dont il consacra toute une partie à la conservation des dents et à leur hygiène. Dans la seconde moitié du siècle, de l’autre côté de la Manche, le Britannique William Addis fut, quant à lui, le premier à fabriquer à grande échelle des brosses à dents, sur le modèle de celle qu’il avait mise au point alors qu’il était en prison quelque temps auparavant. Il fallut attendre le XIXe siècle pour voir les mentalités changer peu à peu par rapport à l’hygiène privée en générale et à l’hygiène dentaire en particulier. C’est d’ailleurs au début du XIXe siècle que fut déposé en France le premier brevet de brosse à dents et que s’ouvrit la première école dentaire française. Néanmoins, la diffusion à grande échelle du dispositif n’intervint qu’à partir des années 1870-1880 mais, surtout, au début du XXe siècle.

Couvrir des besoins toujours plus divers

Outre le changement des mentalités et des habitudes de vie, notamment en matière d’alimentation, ce sont les évolutions successives apportées aux dispositifs d’hygiène dentaire qui permirent leur pleine et entière adoption, jusqu’à en devenir aujourd’hui des incontournables de la salle de bain. Ainsi, en 1938, un industriel remplace les poils de brosse à dents d’origine animale par des poils de nylon. Ceux-ci, rigides et mal taillés, restaient encore agressifs pour les gencives et un travail fut mené afin de les améliorer et les assouplir. Quelques décennies plus tard, dans les années 60, l’apparition de la brosse à dents électrique marqua également un tournant décisif. Depuis, les industriels n’ont cessé de rivaliser d’ingéniosité pour adapter la taille, le design, les coloris, l’ergonomie et les matériaux des brosses à dents afin de répondre à une gamme de besoins toujours plus large, de la brosse à dents fantaisie destinée à rendre le brossage plus attrayant pour les enfants aux brosses à dents aujourd’hui connectées, en passant par les brosses à dents spécialement adaptées aux personnes âgées, celles destinées aux personnes appareillées en orthodontie ou encore celles « chirurgicales » pour les personnes venant de subir une intervention buccale. Les dispositifs actuels (brosses à dents mais aussi certains dentifrices classés dispositifs médicaux) ne se contentent pas de permettre d’avoir une bonne hygiène de vie mais jouent également un rôle préventif, notamment contre les caries et ce, toujours dans le but non seulement de convaincre les populations de s’en servir quotidiennement mais aussi de couvrir des besoins, des âges et des groupes de population toujours plus larges. Ainsi en est-il de certaines brosses à dents auxquelles peuvent être ajoutées des solutions contre le tartre, contre les gingivites, contre la plaque dentaire etc. Aujourd’hui, hygiène et prévention sont d’ailleurs devenues indissociables, une bonne santé dentaire étant nécessaire à une bonne santé générale et vice-versa.

LE SAVIEZ-VOUS ?

L’empereur Napoléon Bonaparte – à qui la légende prête d’être né avec une dent, tout comme Louis XIV – attachait une très grande importance à son hygiène en général et à celle de ses dents en particulier. Pour entretenir son impériale dentition, qu’il avait de ce fait fort belle, Napoléon possédait de luxueux nécessaires contenant des brosses à dents dont le manche était en or ou en vermeil et sur lequel était fixée une tablette de bois ornée de poils de sanglier qu’il trempait dans de l’opiat. Il utilisait également des cure-dents en buis ou encore divers outils à détartrer.

4. Parodontie

La gencive au cœur des soins

En matière d’hygiène bucco-dentaire, la bonne santé de la gencive est aussi importante que celle des dents elles-mêmes dont elle est le support.
La parodontie, aussi appelée parodontologie, est la branche de la médecine dentaire qui traite du parodonte, c’est-à-dire de l’ensemble des tissus de soutien de la dent : soit l’os alvéolaire du maxillaire (mâchoire supérieure), soit la mandibule (mâchoire inférieure), le ligament alvéolo-dentaire ou desmodonte, la gencive, le cément de la racine dentaire ainsi que des éléments nerveux et sanguins. Ce domaine traite autant les maladies pouvant toucher le parodonte ou la gencive que les conséquences esthétiques de celles-ci. « Les maladies parodontales recouvrent tant les gingivites ou les parodontites que les atteintes gingivales, explique le Docteur Patrick Boulange, chirurgien-dentiste et trésorier de la Société française de parodontologie et d’implantologie orale (SFPIO). Le traitement parodontal est avant tout un traitement étiologique, c’est-à-dire qu’il concerne la cause et l’origine de la maladie. Il traite tout autant de pathologies réversibles, pour lesquelles un simple nettoyage suffit, que des pathologies irréversibles qui altèrent les dents et pour lesquelles il existe aujourd’hui diverses solutions permettant d’y remédier.»

«Il s’agit d’abord d’assainir la bouche, le plus souvent via un surfaçage radiculaire, avant de réparer ce qui a été abîmé, voire qui a disparu, c’est-à-dire les tissus de soutien, explique le Dr Boulange. Cela nécessite souvent un acte chirurgical combiné à divers dispositifs médicaux : des biomatériaux pour réparer ou régénérer l’os, des gels dérivés de protéines de l’émail ou encore, des membranes d’origine synthétique pour orienter la cicatrisation.

Il existe également des dispositifs relargués progressivement afin d’avoir un effet prolongé dans le temps ou encore, des dispositifs insérés à un endroit précis qui vont se transformer peu à peu en gencive et qui sont utilisés en alternative aux greffes.» A noter que, selon la pathologie ou le degré de dégradation de la gencive, il est désormais possible, grâce à ce large éventail de dispositifs et de techniques, de combiner plusieurs d’entre eux pour à la fois réparer et régénérer la gencive et l’os, le cas échéant (biomatériaux).

On trouve des traces de traitement de maladies parodontales dès l’Antiquité, notamment en Egypte où elles étaient déjà mentionnées dans le Papyrus d’Ebers, l’un des plus anciens traités de médecine. Il fallut cependant attendre le milieu du XVIIIe siècle et Pierre Fauchard, qui décrivit « une espèce de scorbut qui, sans intéresser les autres parties du corps, attaque les gencives, les alvéoles et les dents », pour que la parodontologie soit l’objet d’une « approche raisonnée », comme l’explique Philippe Bouchard, dans le premier volume de l’ouvrage Parodontologie et dentisterie implantaire, consacré à la médecine parodontale. Puis, au XIXe siècle, l’Américain John Riggs décrivit, à la suite de Fauchard, la pyorrhée, une maladie parodontale. Dès lors, les bactéries de la plaque dentaire furent identifiées comme la principale cause des maladies parodontales. Les progrès en parodontologie, notamment en matière de connaissance scientifique, se poursuivirent durant la première moitié du XXe siècle : « L’unité fonctionnelle et structurelle des tissus » de la gencive fut en effet affirmée et l’on vit apparaître à cette époque les termes de paradentium, puis de parodontium », relate encore Philippe Bouchard. Si la pyorrhée était jusqu’alors la seule maladie parodontale connue (et d’ailleurs traitée à l’époque par cautérisation), au fil des décennies suivantes, cependant, apparut une nouvelle classification des maladies parodontales.

Une pathologie, un dispositif

C’est également durant cette seconde moitié du XXe siècle que les dispositifs utilisés en parodontologie connurent des évolutions majeures, concomitantes à l’acquisition, par la discipline, de ses lettres de noblesse, comme le souligne le Dr Boulange : « Il y a maintenant une cinquantaine d’années que la discipline est reconnue à part entière et est enseignée dans les facultés. Cela a marqué un tournant essentiel. En matière de techniques parodontales, le comblement osseux avec l’os du patient lui-même date d’ailleurs de cette époque. » Puis, les membranes et biomatériaux sont apparus il y a une trentaine d’années, suivis, il y a une quinzaine d’années, des protéines et des matrices alternatives depuis environ 10 ans. «Ces évolutions successives sont le fruit du travail des industriels qui ont cherché, au fil des décennies, à apporter une solution adaptée à une pathologie spécifique, poursuit l’expert. Puis, ces évolutions ont elles-mêmes mené à d’autres avancées et d’autres innovations. Par exemple, les matrices collagéniques, utilisées dans le cadre de greffes, sont elles-mêmes la conséquence du développement des membranes. »

5. Détartrage

Pour des dents et des gencives en pleine santé

Aujourd’hui opération pratiquée en routine par les chirurgiens-dentistes, le détartrage est un acte parodontal essentiel pour la santé bucco-dentaire et doit être réalisé au moins une fois par an.

« Le détartrage, qui relève de la parodontie, est l’acte principal de prévention en matière de santé dentaire, explique le Docteur Julien Laupie, chirurgien-dentiste à Nice et membre de l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD). C’est un soin indispensable pour garder des dents et surtout une gencive en bonne santé. » En pratique, le détartrage consiste à enlever le biofilm que la brosse à dents n’a pas retiré et donc le tartre qui s’est ainsi formé. Le tartre correspond à une calcification de la plaque dentaire. Elle se dépose sur les collets des dents et sous la gencive. Cette opération a pour but de prévenir des maladies dentaires telles que les gingivites (inflammations de la gencive), les parodontites (inflammations du parodonte) ou encore, des caries. A noter que le détartrage est d’autant plus nécessaire que certaines caries non douloureuses et donc insoupçonnées par le patient peuvent parfois se cacher sous un dépôt de tartre. Enfin, une accumulation de tartre peut être à l’origine d’une halitose, ou mauvaise haleine, chronique.

Selon les recommandations officielles, il est préconisé de pratiquer un détartrage au moins une fois par an. En outre, cette opération est réalisée au cabinet du chirurgien-dentiste, seul habilité à la pratiquer en France. Au début de la consultation, le chirurgien-dentiste procède à un contrôle du parodonte à l’aide d’une curette parodontale afin de vérifier que le patient ne présente aucune anomalie et le détartrage peut commencer. En cas de complication, c’est-à-dire si le tartre a migré le long des racines, la procédure peut s’avérer plus compliquée (voir encadré p.15). Il existe aujourd’hui deux méthodes de détartrage. Indolore et sans effet secondaire, celui par ultrasons est le plus répandu. Le dispositif envoie des vibrations sur la dent qui permettent de décoller le tartre tout en projetant un filet d’eau en continu afin de faciliter le nettoyage mais aussi d’éviter une surchauffe du matériel. Les résidus et l’eau sont ensuite aspirés par une sonde. Il existe deux types de détartreurs par ultrasons : magnétostrictifs d’une part (opérant un mouvement elliptique), piézoélectriques d’autre part (opérant un mouvement linéaire). Le chirurgien-dentiste peut également effectuer le détartrage à l’aide de curettes parodontales au moyen desquelles le détartrage est effectué par grattage manuel. A noter également que le professionnel de santé peut utiliser les deux dispositifs complémentairement au cours d’une séance. Enfin, un polissage des dents permet de lisser la surface des dents et de faire disparaître d’éventuelles tâches de coloration.

Contrairement aux idées reçues, diverses sources montrent que, dans l’Antiquité puis au Moyen-Âge, les hommes se préoccupaient de leur hygiène bucco-dentaire (voir chapitre précédent) mais également de prévention. Ainsi, le chirurgien Abulcasis a beaucoup contribué à l’art dentaire, notamment en dessinant de nombreux instruments pour nettoyer les dents. « Cet éminent chirurgien parle pour la première fois du tartre, qu’il a mis en corrélation avec la gingivite, et des moyens de le détacher à l’aide d’instruments dont certains sont encore utilisés aujourd’hui », précise Aude Pasquini dans sa thèse de doctorat en chirurgie dentaire intitulé « L’évolution de l’hygiène bucco-dentaire au fil des siècles et des civilisations ». Il utilisait pour effectuer le détartrage jusqu’à 14 instruments différents, principalement des rugines, chacun étant réservé à un usage spécifique selon sa forme (face externe de la dent, face interne, espace interdentaire) et recommandait plusieurs séances. A noter également que la position du patient qu’il conseillait pour cette opération ainsi que ses préconisations pour les soins furent appliquées jusqu’au XVIIIe siècle, poursuit Aude Pasquini qui cite le chirurgien lui-même : « Faites asseoir le malade devant vous, et placez-lui la tête sur vos genoux. Ruginez les dents et les molaires qui vous présenteront des concrétions ou des dépôts graveleux, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Détartrez aussi là où les dents étaient noires, jaunes, vertes ou d’une autre couleur, jusqu’à ce que les dépôts de tartre soient éliminés. Il est possible qu’un détartrage suffise. Sinon, recommencez une seconde, troisième ou quatrième fois jusqu’à ce que votre but soit totalement atteint ». Au cours de la Renaissance, plusieurs médecins s’intéressèrent également à la question du tartre dentaire, parmi lesquels Ambroise Paré. Néanmoins, ce domaine ne connut pas de réelle révolution jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, époque à laquelle s’opéra une prise de conscience quant à l’hygiène dentaire même s’il fallut attendre encore pour que les règles d’hygiène pénètrent toutes les strates de la société et ne soient plus seulement le pré carré des classes sociales aisées.

La révolution des ultrasons

« Pendant très longtemps, ce sont donc des curettes manuelles qui ont été utilisées pour gratter les dents et éliminer le tartre, résume encore le Dr Laupie. Mais une évolution fondamentale dans la technique de détartrage survint dans la deuxième moitié du XXe siècle. Il s’agit de l’arrivée des ultrasons qui ont grandement augmenté l’efficacité du détartrage. » Ces embouts métalliques vibrant contre la dent permettent non seulement de mieux nettoyer le tartre, de façon plus précise, mais présentent également l’énorme avantage d’être plus agréables pour le patient et plus indolores. Peu à peu, d’autres dispositifs sont venus compléter ce détartrage, toujours dans cette recherche d’efficacité et de confort pour le patient : brossettes et pâtes à polir ou encore aéropolisseurs. Parallèlement, un travail a également été mené sur les inserts des détartreurs à ultrasons afin d’en améliorer l’ergonomie et les matériaux, pour rendre l’opération toujours moins désagréable pour le patient. « Une autre innovation majeure en matière de prévention dentaire est l’arrivée de caméra intra-buccale, poursuit le Dr Laupie. En effet, celle-ci permet de voir sur les dents ce que l’œil nu est incapable de discerner. Elle est capable d’analyser la plaque dentaire et de préciser depuis quand celle-ci s’est accumulée. C’est aussi précieux pour l’acte lui-même que pour la communication des chirurgiens-dentistes avec leurs patients : cela permet de leur montrer ce qui se trouve à l’intérieur de la bouche et, de fait, de provoquer le cas échéant une prise de conscience ». Une innovation en effet essentielle au regard du rôle primordial du patient dans son hygiène dentaire.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le détartrage sous-gingival

Le tartre peut, dans certains cas, se déposer sur la racine de la dent, à l’abri de la gencive, au niveau des poches parodontales. Il est alors appelé tartre sous-gingival. Dans ce cas, le détartrage sous gingival ou surfaçage – qui s’effectue sous anesthésie locale – a pour objectif d’éliminer les poches de bactéries qui se sont formées et réduire l’inflammation qui est en train d’attaquer l’os de soutien des dents.

6. Capteurs intra-oraux numériques

Vers une imagerie de précision

Le choix d’imagerie bi-dimensionnelle est aujourd’hui large pour les chirurgiens-dentistes. Ceux-ci disposent, pour affiner leur diagnostic, de la radiographie panoramique, pour une vision globale de la denture, et, depuis les années 80, de la radiographie intra-orale, pour une imagerie de détail.

La radiographie intra-orale est rendue possible grâce à des capteurs positionnés au sein même de la bouche des patients. Ces capteurs fournissent des images numériques en deux dimensions de la denture des patients, d’une définition très fine, c’est-à-dire de l’ordre de 20 micromètres. Ils permettent d’aller au-delà de la radiographie extra-orale, dite aussi panoramique, cette dernière étant l’examen complémentaire de première intention après l’examen clinique.

Les capteurs transforment le rayonnement X, émis par une source placée à l’extérieur de la joue, en une image numérique qui peut être directement et immédiatement transférée sur un ordinateur puis traitée, retouchée et archivée via un logiciel adéquat. Ils existent généralement deux ou trois tailles de capteurs qui peuvent être reliés par un câble à une télécommande. Celle-ci peut être connectée à l’ordinateur par le biais de sa prise USB. L’étape du développement du film radiologique est supprimée.

Le 8 novembre 1895, le physicien allemand W.C. Röntgen découvrit une nouvelle sorte de rayonnement, qu’il appela rayon X. Le 22 novembre, il réalisa la première image radiographique : celle de la main de son épouse. « Quatorze jours après la première publication de Röntgen en date du 28 décembre 1895 », le chirurgien-dentiste allemand O. Walkhoff réalisa « la première radio dentaire de ses propres dents », en l’occurrence de ses molaires, assisté du Professeur de physique F. Giesel, détaille le Dr Xavier Riaud dans un article sur la première radio dentaire publié sur son site Internet. O. Walkhoff reçut « les premiers rayons intra-buccaux après une exposition d’une durée de 25 minutes ». Dans son compte rendu, il évoqua « une vraie torture » pour lui mais aussi « une grande joie » en mesurant « l’importance de la découverte de Röntgen pour la dentisterie du futur », poursuit le Dr Riaud. Une expérience non dénuée d’effets secondaires puisqu’elle provoqua la perte de ses cheveux. Dès 1896, l’usage des rayons X pour réaliser des images médicales se répandit dans le monde entier, y compris en France.

Révolution du numérique

L’imagerie médicale bucco-dentaire, dont l’essor est lié à celui de l’imagerie médicale en général, a connu une « progression inimaginable » ces dernières décennies, note le Dr Gérard Braye dans l’ouvrage « 40 ans de chirurgie dentaire ». Les premières radiographies panoramiques argentiques en dentaire virent ainsi le jour en 1950. Elles furent complétées, au début des années 80, par les premières « radiovisiographies (RVG) dentaires », réalisées à l’aide de capteurs intra-oraux numériques. En effet, en 1982, le Dr F. Mouyen breveta, en France, un prototype de capteur de RVG. Cinq ans plus tard, le premier système de radiographie dentaire numérique au monde fut commercialisé. « Ces premiers capteurs n’étaient pas d’excellente qualité mais ils fournissaient une image numérique instantanée et imprimable en utilisant des doses de rayons X moindres que pour une radio panoramique dentaire », détaille le Dr Eric Bonnet.

Faibles radiations

Ces systèmes furent peu à peu améliorés. « Ils devinrent plus sensibles et plus fins en termes de résolution », poursuit le Dr Bonnet. De fait, dès 1999, les capteurs offrirent une qualité d’image identique à celle du film. Leur évolution alla de pair avec l’essor et le développement d’ordinateurs et de logiciels d’images de plus en plus performants. En outre, ils s’amincirent, passant d’un centimètre et demi à quelques millimètres d’épaisseur, tout en gagnant en robustesse : protégés par un boîtier de plus en plus solide, ils purent mieux résister aux morsures, aux chocs et aux chutes. De même, le câble qui les relie à la télécommande devint plus résistant (à l’heure actuelle, certains sont capables de résister à plus de 100 000 flexions extrêmes, ce qui équivaut à dix ans d’utilisation intensive). Certains systèmes fonctionnent même en Wi-Fi à l’heure actuelle !

Avec le temps, « ils requirent de moins en moins de doses de radiations », ajoute le Dr Bonnet. Munis d’un indicateur de dose qui détecte les sur- ou sous-expositions, ils permettent d’ailleurs, aujourd’hui, aux praticiens d’ajuster rapidement les paramètres requis, ce qui réduit la nécessité de reprises d’image.

Étanchéité garantie

Désormais complètement étanches, les capteurs supportent l’immersion dans des solutions désinfectantes, ce qui garantit l’hygiène et la sécurité des patients tout en limitant la corrosion des systèmes. Ils sont également proposés en plusieurs tailles pour s’adapter à toutes les morphologies et pratiques cliniques. Surtout, ils peuvent être branchés directement sur un ordinateur ou une tablette numérique à l’aide d’un câble USB standard, éliminant la nécessité d’un adaptateur USB ou d’une unité spécifique de traitement d’image. Ils constituent ainsi de précieux outils d’aide au diagnostic.

Les capteurs intra-oraux ont révolutionné l’imagerie en odontologie – Dr Eric Bonnet, chirurgien-dentiste libéral (Rhône)

« Les capteurs intra-oraux ont révolutionné l’imagerie en odontologie. Ils ont permis d’obtenir des images instantanées sous format numérique, lesquelles ont remplacé les images argentiques qui nécessitaient 5 à 7 minutes de développement. De plus, ces capteurs présentent une dosimétrie avantageuse et une netteté et une précision très appréciables. Aujourd’hui, tous les praticiens sont équipés de tels capteurs numériques ; l’argentique est devenu anecdotique. »

Un gain de temps considérable pour toute l’équipe Dr Nicolas Boutin, chirurgien-dentiste libéral (Paris)

« Grâce aux images instantanées, nous n’avons plus besoin d’attendre que le film soit développé : nous pouvons immédiatement savoir si nous avons correctement et suffisamment vissé un implant ou une couronne, par exemple. Par ailleurs, outre la qualité, indéniable, des images, le numérique permet l’archivage, le classement et la consultation en un clic des clichés dans le dossier informatisé des patients. C’est un gain de temps considérable pour toute l’équipe du cabinet dentaire. »

7. Cone beam

De la 2D à la 3D

Né en Europe à la fin des années 1990, le Cone Beam a permis, en odontologie, de remplacer le scanner médical. Exit le seul cabinet de radiologie : les patients peuvent désormais instantanément bénéficier d’une image en trois dimensions de leur bouche sans quitter le cabinet dentaire.

« Lorsque les images en deux dimensions, extra-buccales et intra-buccales, sont insuffisantes pour appuyer un diagnostic, le chirurgien-dentiste peut opter pour l’imagerie en trois dimensions (3D), détaille le Dr Eric Bonnet, chirurgien-dentiste libéral à Limonest (Rhône). Cette imagerie fut longtemps obtenue grâce au scanner médical, à l’hôpital ou en centre de radiologie. Elle peut désormais y être au fauteuil du chirurgien-dentiste grâce au Cone Beam. Celui-ci a par ailleurs l’avantage d’utiliser de plus faibles doses d’irradiation tout en étant plus précis que le scanner puisqu’il apporte des indications plus détaillées sur les petites structures osseuses et minéralisées, par exemple. » La technologie « Cone Beam computerized tomography » ou CBCT (Tomographie volumique numérisée à faisceau conique) facilite ainsi le dépistage, le diagnostic, l’explication d’une pathologie et le choix de traitements. Il est l’examen de choix en implantologie, puisqu’il permet de visualiser les volumes osseux disponibles et de protéger les structures nobles comme les nerfs mais aussi en orthodontie puisque les doses d’irradiation utilisées sont moindres que celles du scanner.

Le Cone Beam, dispositif médical d’imagerie extra-orale, permet, grâce à son faisceau de rayons X de forme conique, de radiographier toute la bouche en une seule rotation, de la reconstruire virtuellement en 3D sur un écran d’ordinateur et d’explorer cet espace millimètre par millimètre, coupe par coupe. Plusieurs tailles de champ d’exploration existent : grand champ (supérieur à 10 x 10 cm), moyen champ (10 x 10 cm à 8 x 8 cm) et petit champ (5 x 5 cm). Plus le champ est petit, plus la définition de l’image augmente en précision.

Cette technologie est le fruit d’une longue histoire d’innovation ayant pour point de départ, tout comme l’imagerie bi-dimensionnelle, la découverte des rayons X en 1895. Depuis cette date, « l’imagerie connut un véritable essor en dentaire, marqué par l’invention du cliché rétro-alvéolaire en 1896, du cliché panoramique en 1950 puis du scanner en 1972 », synthétise le Dr Nicolas Boutin, chirurgien-dentiste libéral. Le premier du genre fut conçu par l’ingénieur britannique Godfrey Hounsfield. Il eut pour avantage de pallier la perte d’information due à l’imagerie en 2D, qui transforme un volume en plan. « Le scanner donna accès à la 3D, en réalisant, pour la zone étudiée, des images de coupes fines, poursuit le praticien. Au prix, toutefois, d’une dose de rayonnements X supérieure. »

Spécificité dentaire

« Par la suite, deux révolutions majeures marquèrent l’imagerie dans le secteur dentaire : le remplacement de l’argentique par le numérique et l’arrivée du Cone Beam », poursuit le Dr Eric Bonnet. Cette nouvelle technologie d’imagerie 3D, arrivée sur le marché en 1999 en Europe, s’implanta durablement dans les cabinets dentaires au début des années 2000. « Il s’agissait du premier appareil d’imagerie spécifiquement dédié à l’imagerie dentaire maxillo-faciale, explique le professionnel. Il permit, en un seul cliché pris au fauteuil, de radiographier toute la bouche, de la reconstruire numériquement en 3D sur un écran d’ordinateur et de visualiser les dents, le tissus osseux, les principaux nerfs etc. et ce, sans déformation, sans écrasement des plans et avec une grande précision. Il devenait aisé d’obtenir une anatomie précise de l’ensemble des structures dento-maxillaires, de repérer un sinus obstrué, de connaître le volume osseux disponible pour la position et mise en place d’un implant dentaire, d’analyser les malpositions dentaires puis faciales ou encore, de vérifier, en cas de fracture ou de traumatisme sur une dent, si l’os est également touché. Et ce, tout en utilisant une dose moindre de radiation par rapport au scanner. » Le diagnostic et le dépistage de pathologies orales devinrent plus précis grâce aux coupes plus fines et aux informations plus détaillées recueillies.

Multiplicité des champs

Par la suite, les capteurs des Cone Beam évoluèrent et la taille des champs d’exploration se diversifièrent. « Les praticiens disposent aujourd’hui d’un petit, moyen et grand champ, de 5 cm x 5 cm pour visualiser quelques dents jusqu’à 23 cm x 17 cm pour englober tout le complexe maxillo-facial, détaille le Dr Bonnet. Le grand champ est toutefois réservé aux médecins radiologues et aux orthodontistes. » En parallèle, les doses d’irradiation délivrées purent être adaptées au mieux par les chirurgiens-dentistes, en fonction de l’âge du patient, de la taille du champ utilisé, de la zone explorée et de la précision de l’image demandée.

Images nettes et informatives

« Par ailleurs, les logiciels et les techniques de reconstruction 3D et de traitement de l’image se perfectionnèrent considérablement, note le Dr Jean-Michel Foucart, chirurgien-dentiste spécialisé en orthopédie dento-faciale exerçant à Eaubonne (Val d’Oise). La résolution d’image la plus fine passa ainsi de 200 à 75-80 micromètres en moyenne. » Le Dr Bonnet confirme : « La netteté et les contrastes s’améliorèrent, pour une précision et une qualité d’image quasi exceptionnelle, facilitant ainsi le diagnostic et le suivi thérapeutique. Ces nouvelles images nécessitèrent toutefois un apprentissage, pour lire et interpréter correctement les informations qu’elles contenaient. » Et ce, d’autant plus qu’avec l’essor du numérique, les chirurgiens-dentistes passèrent d’une image statique à une image dynamique numérisée. « Il était désormais possible d’“explorer“, sur l’écran d’ordinateur, l’intérieur de tout le volume 3D radiographié », poursuit le Dr Bonnet. Peu à peu, les Cone Beam furent donc utilisés à des fins thérapeutiques, pour affiner le traitement d’une infection des racines ou des gencives, comprendre l’origine d’une douleur buccale inexpliquée, planifier au mieux la pose d’un implant dentaire etc.

Information éclairée du patient

Avec le temps, les appareils, plus compacts, plus flexibles, plus ergonomiques furent aussi plus abordables en termes de prix, ce qui facilita son fort succès vers 2010. Ils permirent également aux chirurgiens-dentistes d’impliquer le patient et de lui expliquer au mieux le diagnostic et les solutions envisageables. « En voyant l’anomalie sur l’écran d’ordinateur, les patients comprennent et adhèrent plus facilement au plan de traitement que nous leur proposons », précise le Dr Bonnet.

Combinaison de la 2D et de la 3D

« Désormais, les Cone Beam répondent à 90 % des besoins d’imagerie 3D, glisse le Dr Foucart. En orthodontie, où la majorité des patients sont des enfants, le scanner n’est quasiment plus utilisé : par rapport à lui, le Cone Beam permet en effet de diviser la dose d’irradiation par 15 à 25. À terme, dans cette spécialité, le Cone Beam pourrait très bientôt remplacer l’imagerie 2D conventionnelle, c’est-à-dire l’examen panoramique et l’examen du crâne. » Par ailleurs, « la tendance actuelle est de développer des appareils combinant l’imagerie 2D et 3D, à partir d’un ou de plusieurs détecteurs », note le Dr Boutin. Depuis 2007, certains associent en effet l’imagerie panoramique, Cone Beam et céphalométrique tandis que d’autres combinent l’imagerie panoramique, péricoronaire extra-orale et céphalométrique, par exemple.

8. Logiciels d’imagerie

L’intelligence numérique au service du diagnostic et du soin

Le numérique s’immisça dans les cabinets dentaires au début des années 80 avec les premiers logiciels de gestion informatique des dossiers des patients, des emplois du temps, de la comptabilité etc. Puis, avec l’apparition de la radiographie numérique, les logiciels d’imagerie s’imposèrent jusqu’à devenir incontournables.
Les logiciels d’imagerie permettent de lire, traiter, analyser, combiner et archiver les images intra-orale et extra-orale numérisées (photos et vidéos). Ils facilitent le diagnostic et la planification thérapeutique et, depuis quelques années, assistent la fabrication des prothèses dentaires.

Les logiciels actuels disposent d’un grand nombre de fonctionnalités et de menus, permettant, en quelques mouvements de souris, de régler le contraste et la netteté de la radiographie, d’agrandir une zone spécifique, de mesurer les espaces entre chaque dent et l’angle de chacune d’elles, d’explorer certaines zones capturées en trois dimensions (3D), de combiner plusieurs images et vidéos etc.

L’imagerie numérique et les logiciels informatiques furent introduits en odontologie au milieu des années 80. Le premier capteur capable de numériser des images prises à l’intérieur de la bouche des patients fut commercialisé dès 1987 (voir le chapitre sur les capteurs intra-oraux). Ce petit capteur, inséré dans la bouche du patient, prenait un cliché et le transférait directement sur l’ordinateur du chirurgien-dentiste. Le fichier numérique était alors enregistré, archivé et imprimable grâce à un logiciel spécifique. Par la suite, en 1998-2000, des capteurs de plus grande taille furent mis au point pour des radiographies panoramiques dentaires numériques. Là encore, les logiciels présents sur le marché permirent d’archiver les données recueillies.

Suite de logiciels

Peu à peu, les logiciels se diversifièrent. Initialement, les chirurgiens-dentistes n’en possédaient qu’un pour classer et conserver toutes les images intra-buccales et extra-buccales de leurs patients. Progressivement, furent développées des suites de logiciels spécifiques pour chaque type d’images, dotées d’une seule base de données sécurisée et permettant de traiter numériquement les clichés. « Ces logiciels étaient déjà très performants, se souvient le Dr Nicolas Boutin, chirurgien-dentiste. Grâce à eux, les fichiers numérisés apparaissaient quasi instantanément sur nos ordinateurs et pouvaient être consultés et analysés sur l’écran. Certains paramètres pouvaient être réglés, en termes de netteté, notamment. Après examen, les fichiers pouvaient être directement intégrés au dossier numérisé du patient, datés et classés comme il se doit. »

Exploration radiologique en 3D

Les logiciels devinrent également de plus en intelligents. Les Cone Beam, inventés en 1996, se démocratisèrent dans les cabinets dentaires dès 2007-2008 et fournirent des images 3D de qualité sans précédent (voir chapitre sur le Cone Beam). Certains logiciels permirent ainsi, sur écran d’ordinateur, la visualisation et l’exploration de l’ensemble du volume radiographié par les Cone Beam (bouche et dents) dans les trois dimensions de l’espace. Les logiciels d’imagerie, qui, jusque-là, aidaient les chirurgiens-dentistes à affiner leur diagnostic et à objectiver le traitement choisi, facilitèrent la détection de certaines pathologies ou anomalies (telles qu’une tumeur) et la planification des interventions chirurgicales.

Les logiciels se sophistiquèrent également pour traiter les empreintes buccales et physico-chimiques réalisées par de mini-scanners numériques d’acquisition 3D (caméras intra-orales). Grâce à eux, il est désormais possible de gérer numériquement les processus de réalisation des prothèses dentaires (lire les chapitres p.25 sur l’empreinte optique et p.34 sur la CFAO).

Fusionnement d’images optiques

La bouche et même la tête des patients purent être entièrement virtualisées au début des années 2010. En effet, les suites de logiciels permirent de combiner différentes images, en deux dimensions comme en trois, y compris des images issues des caméras intra-buccales. Cette convergence de données fut cruciale pour modéliser la bouche des patients, en incluant des données – insuffisantes avec les seuls rayons X – sur leurs tissus mous. Ces techniques rendirent la prescription et la planification chirurgicales beaucoup plus aisées et permirent la réalisation de guides chirurgicaux sur mesure pour une chirurgie adaptée et moins traumatisante. Elles réduisirent le temps opératoire et les complications possibles, pour un plus grand confort des patients.

Grâce à elles, les patients purent, quant à eux, mieux visualiser leur pathologie, mieux comprendre les solutions envisageables et, enfin, avoir un aperçu du résultat final du traitement choisi (leur futur sourire, par exemple). Les patients prirent dès lors une part plus importante dans leur prise en charge.

Ergonomie et interopérabilité

En parallèle, les logiciels s’ouvrirent petit à petit pour être compatibles entre eux. « Cela a pris un peu de temps mais, aujourd’hui, tous les appareils d’imagerie en 3D et les logiciels associés fonctionnent avec le même format d’image, le format DICOM », précise le Dr Boutin. Cette uniformité de format a permis, pour la 3D, de passer de systèmes fermés à des systèmes ouverts, facilitant ainsi l’échange de données entre praticiens et le changement d’un appareil ou d’un logiciel sans avoir à changer l’ensemble de ses équipements. L’ouverture des systèmes est toujours en cours mais quelques suites de logiciels sont, à l’heure actuelle, d’ores et déjà totalement ouvertes.

En outre, l’ergonomie visuelle des softwares a énormément évolué. Les chirurgiens-dentistes n’étant pas informaticiens de formation, les logiciels se devaient d’être simples d’utilisation, intuitifs et protocolés afin d’accompagner le praticien à chaque étape du traitement et de la modélisation des images. Ainsi, les icônes remplacèrent progressivement les menus déroulants, par exemple.

Vers une autonomisation plus grande

À l’avenir, les logiciels seront de plus en plus intelligents. Ils pourront, grâce à leurs algorithmes encore plus élaborés et à leur bibliothèque de dents, reconstruire de manière quasi autonome les dents des patients. Les chirurgiens-dentistes n’auront que quelques optimisations et retouches à la marge à apporter. Ils se simplifieront encore plus pour limiter le nombre de clics et tendre vers une plus grande automatisation des systèmes.

20 ans

Les premiers logiciels, qui traitaient des images en 2D, n’étaient pas des dispositifs médicaux. Ils entrèrent dans cette catégorie dès l’arrivée de la 3D il y a vingt ans, dès lors qu’ils permirent de faire du diagnostic, de la planification chirurgicale et du design de guide chirurgical.

9. Scanners intra-oraux

Pour une prise d’empreinte optique rapide et confortable

Dès le début des années 70, émerge l’idée de remplacer la prise d’empreinte dentaire à l’aide d’une pâte par une prise d’empreinte à l’aide d’une caméra numérique. Une révolution est en marche. Depuis, cette technique s’est enrichie des meilleures innovations en optique, électronique et informatique.

Il est désormais possible d’enregistrer numériquement les reliefs bucco-dentaires, c’est-à-dire la surface des dents et des tissus muqueux, grâce à un scanner intra-oral ou caméra optique. On parle alors d’empreinte optique. Ce dispositif d’imagerie intra-orale en 3D, qui facilite la première étape de fabrication des prothèses personnalisées, évite l’inconfort de la pâte à empreinte dans la bouche qui pouvait provoquer des réflexes nauséeux. Il est par ailleurs devenu le complément indispensable du Cone Beam pour une planification chirurgicale – notamment implantaire – sécurisée.

La caméra projette, à l’aide d’un embout inséré dans la bouche, un rayon lumineux sur la ou les dents souhaitée(s) puis analyse, à l’aide de capteurs, la déformation de la lumière ou de son intensité pour la plupart des équipements. Ceux-ci fournissent des signaux numériques à l’ordinateur qui reconstitue une surface 3D.

L’empreinte optique vit le jour en France, dans l’esprit du Pr François Duret. « J’avais 22 ans et j’étudiais à la faculté d’odontologie ainsi qu’à la faculté de sciences de Lyon, se souvient-il. À Noël, en 1970, après avoir discuté avec mes oncles, l’un chirurgien-dentiste et l’autre informaticien, j’ai eu l’idée du concept d’empreinte optique. Il m’a ensuite fallu de nombreux mois d’analyses et de recherches pour en faire quelque chose
de construit et le décrire dans ma thèse, publiée en 1973. »

Analyse de la lumière

Le professeur imagina ainsi une caméra composée de quatre fibres optiques, deux pour projeter de la lumière monochromatique et deux pour capter les images. En 1980, il imagina un concept similaire avec de la lumière polychromatique, avant de revenir à la lumière monochromatique. « L’objectif était de capter l’interférence de la lumière à l’aide de ces fibres », poursuit-il. Le système du Pr Duret mesurait ainsi la perturbation de la lumière sur la surface dentaire. « L’analyse de cette perturbation permettait la modélisation numérique de la surface du volume dentaire », détaille-t-il. Cette empreinte était ensuite fixée sur un capteur numérique (capteur CCD) en quelques dixièmes de secondes.

Cette technique fut publiquement présentée à la faculté dentaire de l’université Paris Diderot en 1983, puis au Congrès de l’Association dentaire française (ADF) en 1985. Toutefois, après de nombreuses années de recherches et de développement, faute de moyens, ce projet français fut interrompu.

Caméras numériques

Des travaux similaires virent le jour aux États-Unis, au Japon ou encore en Suisse. Ainsi, en 1985, les Drs W. Mörmann et M. Brandestini développèrent une caméra buccale 3D pour la prise d’empreinte optique, surnommée « Lemon » (du fait de sa couleur jaune citron). Elle incluait un petit disque d’usinage pour la fabrication assistée par ordinateur de l’intérieur des inlays. Lorsque les brevets de ces caméras passèrent dans le domaine public, dans les années 2010, le nombre de caméras intra-orales s’accrut. Certaines requéraient une poudre à déposer sur la partie à enregistrer pour pallier la transparence de l’émail dentaire, d’autres non. En dehors de cette particularité, elles reposaient toutes sur le même principe : elles enregistraient un grand nombre d’images, lesquelles étaient en quelque sorte assemblées pour restituer en 3D la surface du volume scanné. Le résultat obtenu devait ensuite, à l’aide d’un logiciel informatique, être affiné et homogénéisé. C’est toujours le cas aujourd’hui, que les caméras requièrent de la poudre ou non.

En parallèle, dès les années 90, des systèmes de scanners par micro palpages, ou « scanners numériques tactiles », furent initiés. Ils consistaient à enregistrer le relief de la dent par contact et balayage d’un micro palpeur sur sa surface. Malgré leur précision très satisfaisante, ils restaient volumineux et nécessitaient que la surface à enregistrer soit parfaitement immobile. Les scanners non tactiles, et c’est-à-dire optiques, connurent donc un réel essor.

Une vingtaine de systèmes

Il existe, aujourd’hui, plus d’une vingtaine de systèmes d’empreinte optique commercialisés dans le monde. Ils reposent essentiellement sur trois méthodes d’acquisition de l’image : la triangulation, la stéréoscopie et la focalisation/défocalisation. Ils sont plus robustes tout en étant plus légers qu’auparavant (100 à 800 grammes, contre près d’un kilogramme dans les premiers temps). Ils fonctionnent en mode vue par vue ou en mode rafale (série de photos prises extrêmement rapidement), avec une grande précision (jusqu’à 30 micromètres) ou encore, en mode dynamique type film continu (environ 30 images secondes). Ils sont en mesure d’éliminer certains éléments indésirables entrés dans le champ, tel que le pouce du chirurgien-dentiste, avant tout traitement sur ordinateur.

Depuis 2012-2013, certains assurent un rendu des images en couleur, remplaçant ainsi le traditionnel noir et blanc pour le diagnostic en 3D. Enfin, les scanners disposent d’un support ou d’une vitre chauffante qui maintiennent leur tête à 37°C avant numérisation intra-orale afin d’éliminer le phénomène de buée qui empêche la prise d’empreinte.

Miniaturisation et flexibilité

« Ma fille et moi avons récemment développé, en partenariat avec le Centre national d’études spatiales (Cnes), une caméra de nouvelle génération, complète le Pr Duret. Nous avons utilisé la méthode des satellites, capables de capter des images en 3D sans projeter de lumière. Cette caméra, au lieu de mesurer la lumière déformée, mesure directement l’objet et ses grains, ses bosses, ses creux etc. Petite et légère, puisqu’elle pèse 110 grammes, elle mesure également les couleurs directement sur la dent pour un meilleur rendu. Elle a été mise sur le marché en 2016. » Le choix est donc vaste pour les praticiens. « À l’heure actuelle, il n’existe plus un seul type d’empreinte qui nécessite encore le recours à l’empreinte conventionnelle à l’aide d’une pâte y compris récemment en prothèse totale », détaille le Pr Duret. L’équipement des chirurgiens-dentistes est toutefois encore en cours.

À l’avenir, les technologies iront vers une plus grande facilité d’utilisation et une plus grande maniabilité pour le chirurgien-dentiste pour plus de confort pour le patient. Plus petites, elles seront également encore plus précises. Enfin, la combinaison des données de l’empreinte optique avec celles du Cone Beam se généralisera de plus en plus pour de meilleurs diagnostics et de meilleures programmations chirurgicales.

10. Soins conservateurs

De l’extraction à la préservation des dents

Depuis le début du XXe siècle, une attention particulière a été portée à la préservation des tissus buccaux et à l’esthétisme de la restauration. Les techniques de pose et les matériaux ont fait l’objet de nombreuses recherches.

« L’odontologie conservatrice représente l’ensemble des thérapeutiques préventives et curatives ayant pour objectif la préservation et la restauration des organes dentaires affectés par leurs pathologies spécifiques et leurs complications » à savoir : « la carie, les traumas, les érosions et abrasions, les anomalies du développement, les lésions iatrogènes », détaillent les Prs Jean-Jacques Lasfargues et Pierre Colon dans leur ouvrage « Odontologie conservatrice et restauratrice ». Ces thérapeutiques (détartrage, dévitalisation, soin de carie…) visent à préserver ou à restaurer les fonctions des dents que sont la mastication, la déglutition et l’élocution. Elles veillent, en outre, à l’esthétisme de la bouche et du visage.

Il faut distinguer les soins conservateurs des soins chirurgicaux, prothétiques et orthodontiques. Ils consistent le plus souvent à supprimer et/ou à restaurer à l’aide d’un matériau les tissus lésés d’une dent pour lui redonner sa morphologie et sa physiologie.

Les matériaux utilisés peuvent être :

  • métalliques (amalgame d’argent, incrustations coulées de type inlay/onlay);
  • translucides dont la teinte se rapproche de celle de la dent (composites, verres ionomères, ciments, céramiques).

Longtemps, la réponse clinique privilégiée en cas de pathologie dentaire et, notamment, de carie était l’extraction dans des conditions d’hygiène assez médiocres. Les soins conservateurs prirent réellement leur essor au XIXe et au début du XXe siècles, avec les premiers plombages et inlays et, surtout, « la première classification et description des formes de cavités dentaires carieuses par l’Américain G.V. Black en 1908 », précise le Pr Pierre Colon, de l’hôpital Rothschild à Paris. Celle-ci servit de base pour réaliser des formes de restauration durables, lesquelles consistaient à éliminer les tissus altérés par les caries puis à creuser une cavité destinée à recevoir un matériau d’obturation non adhésif.

Métaux précieux

« Les premières restaurations étaient à base d’argent ou d’or cohésif, préparées et comprimées dans la cavité par le dentiste pour obturer complètement la dent et éviter toute perte de substance dentaire », détaille le Pr Colon. Les premiers inlays, eux, « étaient des pièces coulées rigides, en or, fabriquées sur-mesure en laboratoire puis posées et scellées par le dentiste », explique-t-il. Elles offraient des solutions très durables aux patients. Les inlays en or ne sont toutefois quasiment plus utilisés aujourd’hui pour des raisons esthétiques. Ils furent progressivement supplantés par les inlays en résine composite ou en céramique qui reproduisent de façon exacte la teinte et la forme des dents des patients.

Recherche d’esthétisme

Les industriels et les dentistes s’orientèrent en effet vers des techniques plus esthétiques. Des restaurations à base de silicates furent développées vers 1910. « Ces ciments offraient trois à quatre choix de teintes, plus ou moins claires et foncées, détaille le Pr Colon. Ils présentaient toutefois l’inconvénient majeur d’une solubilité importante en bouche, qui entraînaient leur dégradation », note le Pr Olivier Laboux dans l’ouvrage « 40 ans de chirurgie dentaire ».

Les amalgames d’argent et de mercure, de teinte grise, remplacèrent les restaurations en or. Surtout, dans les années 50 à 70, les composites dentaires (matériaux organo-minéraux types résines) apparurent, suivis des Ciments verres ionomères (CVI) dont les teintes se rapprochaient de celles des tissus dentaires.

le Tournant des années 70-80

Jusque dans les années 70, le chirurgien-dentiste adaptait l’architecture des cavités dentaires en retirant les tissus pathologiques mais aussi des tissus sains, pour que les matériaux restent en place. Cette technique de rétention mécanique fut progressivement remplacée par des techniques adhésives. « Efficaces, elles étaient également beaucoup plus conservatrices puisqu’elles ne nécessitaient que de retirer les tissus lésés et d’effectuer une préparation périphérique pour assurer une bonne jonction entre la dent et la restauration », souligne le Pr Colon. Puis, peu à peu, elles se simplifièrent pour réduire le temps de préparation du substrat dentaire sur lequel était posé l’adhésif, de l’adhésif lui-même puis de la pose du matériau (notamment le composite). Il existe aujourd’hui plusieurs types d’adhésifs, adaptés à chaque indication clinique, efficaces sur l’émail comme sur la dentine.

Photosensibilité

Malgré cela, les matériaux et techniques esthétiques de restauration des dents postérieures eurent du mal à rivaliser avec les amalgames et les obturations en or en raison de leurs défauts biologiques et physico-chimiques. Les premières résines (résines méthacryliques), « une fois préparées, devaient être posées très rapidement en bouche car elles durcissaient en quasiment deux minutes », explique le Pr Colon. À partir des années 80, « furent donc développées des résines composites photosensibles qui polymérisaient et durcissaient, uniquement sous l’effet d’une source lumineuse de forte intensité ». Les praticiens pouvaient ainsi « travailler tranquillement le matériau » et « attendre d’être fins prêts pour le durcir ».

Restaurations indirectes

Par ailleurs, les chirurgiens-dentistes hésitèrent de moins en moins à envoyer un moulage de la cavité dentaire à un laboratoire pour que ce dernier prépare lui-même une pièce en résine composite. Les conditions de polymérisation des résines y étant bien meilleures qu’au cabinet dentaire, « la résistance de ces pièces s’améliora », juge le Pr Colon.

Les techniques de restauration directe, réalisées entièrement au cabinet dentaire en une seule séance, ne disparurent pas pour autant, notamment pour la pose d’amalgames, de composites ou de CVI. Elles ne requéraient qu’une seule anesthésie et présentaient moins de risque d’infection bactérienne entre la prise d’empreinte de la cavité dentaire et la restauration.

Parallèlement, les céramiques furent plébiscitées (céramiques feldspathiques, à base de zircone etc.), qu’elles soient conçues par le dentiste ou par le laboratoire, de manière traditionnelle ou assistée par ordinateur. « Collées directement sur les dents à restaurer, elles permettaient de recréer jusqu’au trois quarts desdites dents », détaille le praticien. Leur chimie évolua considérablement et « leur résistance fut multipliée par dix ».

Matériaux bioactifs

Enfin, dans les années 90, de nouveaux matériaux adhésifs relarguant du fluor furent expérimentés. Ainsi, les ciments verres ionomères modifiés par adjonction de résine, combinés à un acide polyacrylique, libéraient en bouche des quantités importantes de fluor pour reminéraliser les dents et limiter le retour des caries.

« Par ailleurs, nous nous orientions de plus en plus vers des matériaux bioactifs destinés à interférer avec les cellules vivantes de la bouche et à stimuler les mécanismes de réparation, poursuit le Pr Colon. C’est le cas, aujourd’hui, en cas de lésion carieuse très profonde : là où, auparavant, nous dévitalisions la dent, nous pouvons, depuis 2010, utiliser des matériaux à base de silicate de calcium, lesquels permettent de stimuler la réponse des cellules de la pulpe dentaire à l’agression carieuse, par exemple. » Ces matériaux, à la fois biocompatibles et bioactifs, permettent en effet de reminéraliser des tissus dentaires mais aussi de sauver des dents vivantes. Ils se déclinent désormais dans les traitements à l’intérieur du canal avec des produits d’obturation canalaire.

Dans cette course à l’innovation, universitaires et industriels mettent au point les traitements de demain. En particulier, la dentisterie de demain est la dentisterie de régénération pour, certes combler des pertes de substances, mais aussi régénérer les tissus (pulpe, dentine, émail, os). C’est aussi celle de la prévention (du tartre, des caries etc.) et de la conservation accrue des dents, pour répondre à l’allongement de la durée de vie de la population.

10 à 20 ans

« Les restaurations actuelles ont des durées de vie de 10 à 20 ans, selon les méthodes et matériaux utilisés », précise le Pr Colon.

11. Implantologie

Quand l’implant devient dent

L’implantologie moderne, bien que relativement récente, est aujourd’hui une discipline de pointe dont les dispositifs permettent une prise en charge des patients toujours plus sécurisée et personnalisée.

L’implantologie, ou traitement prothétique, a pour finalité de remplacer des dents endommagées ou perdues afin d’en réhabiliter les fonctions lésées (mastication et phonation) et l’esthétique. En effet, les dents sont réparties sur deux arcades (mandibulaire et maxillaire) et constituent un équilibre. Lorsque survient la perte d’une dent, celles situées alentours peuvent être attirées par le vide laissé. De fait, le remplacement doit être fait le plus rapidement possible afin d’éviter la création d’un déséquilibre dans la cavité orale.

Diverses solutions existent afin de remplacer des dents perdues ou abîmées. Le bridge dentaire, qui nécessite de meuler les dents adjacentes à la dent perdue, peut être une solution mais il nécessite de « sacrifier » ces dents. L’implantologie est une excellente alternative puisqu’on ne touche pas aux dents adjacentes. En outre, contrairement au bridge, l’implant ne repose pas sur les dents adjacentes et offre ainsi une plus grande stabilité. L’implant permet la réhabilitation prothétique. On utilise un onlay (que l’on pose sur la dent et qui va aider à la reconstruction de la dent) ou un inlay (qui va reconstruire directement une partie de la dent). Ces prothèses, qui présentent l’avantage de préserver le maximum de tissus dentaires), peuvent être en composite, en métal ou en céramique et sont posées grâce à une technique de collage et de scellement. L’implantologie peut également permettre de remplacer des dents complètement perdues et, donc, de combler un vide. A noter que, dans le cas de la perte d’une dent, la pose d’une prothèse amovible temporaire en résine est souvent proposée dans l’attente de la pose de l’implant.

Il semble que les hommes aient cherché à remplacer des dents absentes dès l’Antiquité. Des pièces anatomiques en or utilisées pour remplacer des dents datant de la civilisation Maya ont été retrouvées. Mais les implants de ces temps reculés avaient uniquement pour but de restaurer la fonction de la dent manquante : il n’y avait aucune visée esthétique. Ainsi en est-il également des clous retrouvés sur certaines momies égyptiennes. Au Moyen-Âge, l’implantologie consistait principalement à effectuer des transplantations d’un patient à un autre et il n’était pas rare que certains parmi les plus pauvres vendent leurs dents contre un peu d’argent. A cette époque et pendant les siècles suivants, néanmoins, les règles d’hygiène et d’asepsie étaient nulles et les transplantations comportaient d’énormes risques d’infection. A la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, furent énoncés les principes de biocompatibilité et de stabilité qui permirent l’apparition des prémices de l’implantologie moderne : c’est durant les années 30 et 40 que les techniques en implantologie évoluèrent de manière significative. Divers essais, pas toujours heureux, furent menés à la fois sur les matériaux et sur la forme des implants. Mais la discipline restait fortement controversée. Il fallut attendre la fin des années 70 pour qu’un praticien suédois, le Professeur Branemark, qui travaillait étroitement avec des chirurgiens orthopédiques, mène des recherches sur l’intégration tissulaire des matériaux et mette au point le concept d’ostéo-intégration en dentisterie. Il démontra qu’une vis en titane peut s’intégrer dans la mâchoire et que des cellules osseuses peuvent repousser autour du dispositif. Les avancées en matière de science des matériaux favorisèrent également la démocratisation des procédés métallo-céramiques.

L’explosion des années 80-90

La mise à jour du principe de régénération osseuse a véritablement révolutionné la discipline, permettant de s’adapter au volume osseux manquant et, donc, à chaque patient. Dans les années 80 puis 90, on assista à une explosion de l’implantologie avec trois domaines d’innovation particulièrement florissants. La première grande évolution porta sur le dessin et la forme de l’implant. Parallèlement, d’importants travaux furent menés sur le traitement de la surface de l’implant en créant des crevasses dans le métal afin de créer une passivation et d’augmenter la surface de contact avec l’os. Enfin, la connectique entre les différentes pièces du dispositif fut également l’objet d’une vive attention et l’on passa d’une connexion exclusivement passive à une connexion active ou conique. Aujourd’hui encore, le choix entre une connectique active ou passive est laissé au praticien, selon sa connaissance, sa formation et le choix de la prothèse. Simultanément, les décennies 1980 et 1990 furent marquées par d’immenses progrès en radiologie qui furent essentiels à l’essor de l’implantologie : la technologie du scanner permit en effet de visualiser le volume osseux en 3 dimensions. Le scanner a littéralement modifié la façon des praticiens de planifier la chirurgie en leur permettant d’identifier les zones dangereuses comme les artères avec une grande précision, ce que ne permettait pas la vision panoramique. Cette avancée a métamorphosé le diagnostic, donnant aux chirurgiens-dentistes la possibilité de choisir les implants à l’avance et de réaliser des guides chirurgicaux. La technique devint moins opérateur-dépendante et, de fait, beaucoup plus sécurisée : l’implant était posé avec précision là où il devait effectivement l’être, ce qui augmenta également l’esthétique.

Une implantologie toujours plus personnalisée

Aujourd’hui, les progrès réalisés en matière d’implantologie, notamment de connectique, ont abouti à des dispositifs offrant une grande rétention et une bonne stabilité tout en évitant les inflammations. Néanmoins, des améliorations sont encore possibles. Ainsi, le délai de cicatrisation pour poser une couronne, qui est de 3 mois, pourrait être réduit. Une mise en charge immédiate (c’est-à-dire la pose d’une prothèse provisoire sur un implant très rapidement) avec les implants de stabilité primaire pourrait même être envisagée. Cela permettrait d’accélérer la stabilité secondaire, ou biologique. C’est pourquoi des travaux sont menés conjointement sur le dessin de l’implant et sur sa surface. L’impression 3D sera également déterminante en implantologie : les technologies informatiques dont l’impression 3D permettent en effet de concevoir des implants de manière virtuelle sans procéder à aucune prise d’empreinte. Autre exemple de progrès apportés par les nouvelles technologies : il est aujourd’hui possible de concevoir un implant de la même teinte que le reste de la dentition. Ainsi, les prothèses sont-elles de plus en plus adaptées à chaque patient. D’autant que les matériaux, de plus en plus complexes et biocompatibles (corail, bioverre, calcium, silicate etc.), participent de cette personnalisation de l’implantologie à chaque patient. Les limites de l’implantologie sont sans cesse repoussées. La discipline, qui permet d’allier l’esthétique au confort, offre la possibilité aux praticiens de s’adapter à tous les modes de vie et à de nouvelles pathologies telles que l’ostéoporose ou le végétalianisme, par exemple. Les progrès des techniques et des dispositifs doivent servir le patient qu’il faut savoir écouter pour connaître ses besoins et ce qu’il recherche afin de lui proposer la solution la plus adaptée.

250 millions

C’est le nombre d’implants dentaires posés dans le monde à ce jour.

(Source : ADF, Congrès 2017, dossier de presse)

12. CFAO

La réalisation de prothèses assistée par ordinateur

Depuis les années 2000, ont été développés des systèmes, particulièrement novateurs, de conception et de fabrication de prothèses dentaires assistées par ordinateur.
En odontologie, la conception et fabrication assistée par ordinateur (CFAO) est une méthode numérique de réalisation des prothèses dentaires. Elle comprend trois étapes :

  • l’empreinte optique de la bouche du patient ou, à défaut, la numérisation d’une empreinte conventionnelle ou d’un modèle en plâtre de la bouche du patient ;
  • la modélisation informatique de la prothèse ;
  • l’usinage de ladite prothèse par une machine-outil à commande numérique.

Celles-ci s’effectuent soit au cabinet dentaire, soit au cabinet dentaire puis au laboratoire du prothésiste dentaire, soit uniquement au laboratoire (lire encadré p.36). Certains logiciels permettent de modéliser non pas des prothèses mais des guides chirurgicaux sur mesure en implantologie. À noter que la prise d’empreinte, qu’elle soit optique ou conventionnelle, reste du ressort du cabinet dentaire.

La phase d’empreinte optique, à l’aide d’une caméra optique, correspond à la phase d’acquisition des données. Elle s’effectue soit directement dans la bouche du patient soit à partir d’une empreinte de la bouche du patient réalisée à l’aide d’une pâte puis scannée dans un scanner de table. Les données numérisées (le format standard de fichier est le format STL) sont traitées, analysées et structurées via un logiciel informatique dédié. La prothèse, totale ou partielle, fixe ou amovible, est ensuite confectionnée à l’aide d’une usineuse ou d’une imprimante 3D, conformément au modèle numérique élaboré. Cette confection se fait par soustraction de matière (en partant d’un bloc de matériau) ou par addition de matière (en fusionnant des particules de céramique, de métal ou de polymères par microfusion laser ou en superposant, couche par couche, des biomatériaux grâce à une imprimante 3D).

En 1973, le Pr François Duret, alors étudiant, n’envisagea pas seulement le concept d’empreinte optique. Il décrivit un système complet de fabrication de prothèse dentaire, impliquant la prise d’empreinte numérique des dents à restaurer, la modélisation desdites dents et de la prothèse sur l’écran d’ordinateur via un logiciel adéquat puis l’usinage de la prothèse selon les paramètres et les mesures définies sur l’ordinateur. « Il posa ainsi les bases de ce qui allait devenir la CFAO en chirurgie-dentaire », détaille le Dr Christian Moussaly, chirurgien-dentiste. Le Pr Duret et son équipe réussirent d’ailleurs l’exploit de réaliser et sceller en direct une couronne une heure après l’empreinte optique, en novembre 1985. « Le chirurgien-dentiste suisse, W. Mörmann, et l’ingénieur italien, M. Brandestini, mirent au point le “Lemon“, commercialisé en Allemagne avant de l’être dans toute l’Europe puis dans le monde, poursuit le praticien. Ce système de CFAO, à la différence de celui du Pr Duret, n’était, au début, pas axé sur la réalisation de couronnes, c’est-à-dire des restaurations complètes, mais sur la réalisation d’inlays, c’est-à-dire des restaurations partielles. »

Essor du « lemon »

Pour diverses raisons dont l’absence de moyens, le système du Pr Duret ne put prospérer. « Les modèles de W. Mörmann et de M. Brandestini, eux, se répandirent et, dès 1994, permirent de réaliser un plus grand nombre de restaurations : des inlays mais aussi des onlays et des facettes puis, en 2000, des couronnes », explique le Dr Jean-François Chouraqui, chirurgien-dentiste. Le centre d’acquisition des images (caméra intra-buccale et ordinateur) fut par ailleurs séparé de l’unité d’usinage et le système informatique devint évolutif (comme l’était à l’origine le système du Pr Duret) : il permit ainsi d’incorporer, au fur et à mesure, des mises à jour fréquentes de logiciels. Parmi les plus marquantes, l’introduction, en 2003, de l’affichage de données en 3D pour la conception de la prothèse sur ordinateur ! « Au départ, nous n’avions qu’une représentation plane des images que nous enregistrions. À partir de cette date, nous bénéficiions d’une représentation réelle en trois dimensions », insiste le Dr Moussally.

Systèmes ouverts, systèmes fermés

Par ailleurs, les premiers systèmes étaient fermés au sens informatique du terme. En clair, il fallait avoir la même marque depuis la caméra jusqu’à la machine à usiner pour que ces derniers soient compatibles. En 2005, apparurent les premiers systèmes ouverts grâce au langage de communication universel STL. Il fut, dès lors, possible d’acheter des appareils et des logiciels de fournisseurs différents. Ainsi, certains cabinets dentaires s’équipèrent de même que certains laboratoires de prothésistes, lesquels souhaitaient être en mesure de prendre en charge une partie des étapes de la CFAO. Cette technique avait pour avantage d’assurer la reproductibilité de certains paramètres pour une meilleure qualité des résultats et un meilleur confort des chirurgiens-dentistes, qui pouvaient retrouver certains de leurs réglages au dixième de micromètre près. Avec la CFAO, le caractère aléatoire et empirique du travail artisanal disparaissait.

Confort du patient

Elle avait également pour avantage d’être rapide et d’être réalisable en une seule séance au cabinet dentaire au lieu de deux séances espacées de sept jours au moins. « Cela n’impliquait qu’un seul rendez-vous, qu’une seule anesthésie et beaucoup moins de risques, résume le Dr Chouraqui. En effet, plus on obture rapidement une dent vivante, plus ses capacités cicatrisantes sont importantes. La CFAO facilite donc la récupération et réduit le risque de réactions post-opératoires. En comparaison, la technique traditionnelle implique la préparation de la dent, la prise d’empreinte, la pose d’un pansement puis, à la réception de la prothèse, de nouveau une anesthésie et, enfin, la pose de la prothèse. En attendant cette deuxième séance, le pansement provisoire peut tomber et la plaie dentaire s’infecter. La CFAO est donc plus conservatrice des dents vivantes. » Certes, « dans les premiers temps, la qualité des prothèses fabriquées par CFAO était décriée car peu esthétique. Par ailleurs, cette technique, bien qu’efficace, était très praticien-dépendant », reconnaît le praticien. Toutefois, « dès les années 2000, les chirurgiens-dentistes, très soucieux de la qualité de leurs soins prothétiques, se sont perfectionnés à l’usage de la CFAO, ce qui a amélioré considérablement l’image de cette dernière ». L’essor de l’empreinte numérique, grâce à l’essor des caméras intra-orales, renforça l’attrait pour la CFAO dans les années 2010. « En 2012, apparurent les premières caméras permettant d’enregistrer les volumes bucco-dentaires en couleur et sans poudre à appliquer sur les dents », se remémore le Dr Moussally.

Nouveaux matériaux

« Dans le même temps, les matériaux disponibles pour la fabrication d’inlays, d’onlays et de couronnes ont considérablement évolué », ajoute le Dr Chouraqui. Effectivement, il était souvent reproché à la CFAO dentaire d’obliger à utiliser des matériaux conventionnels peu esthétiques car trop opaques (titane ou composites) ainsi que des céramiques fragilisées par l’usinage (micro-fractures). De nouvelles céramiques virent donc le jour, plus esthétiques et plus solides, ainsi que d’autres matériaux utilisables en CFAO : céramiques feldspathiques, vitrocéramiques renforcées à la leucite ou au disilicate de lithium, céramiques infiltrées de verre et céramiques polycristallines de type alumine et surtout zircone. Certaines résines furent également développées, notamment pour les inlays-onlays, renforcées avec de microcharges céramiques. Des recherches sont toujours en cours pour identifier de nouvelles solutions durables et biocompatibles afin d’élargir le choix des praticiens.

CFAO et impression 3D ?

« La CFAO, qui s’appuie sur une technologie numérique, révolutionne le processus prothétique », conclut le Pr Duret, inventeur du concept. Elle remplacera vraisemblablement, à terme, le « schéma classique » de réalisation des prothèses : prise d’empreinte à l’aide d’une pâte – élaboration d’un modèle en plâtre – coulage de la prothèse. Elle a en outre vocation, un jour, à fonctionner avec des imprimantes 3D à commande numérique dont le secteur dentaire, depuis plusieurs années, entrevoit le considérable potentiel. Cela nécessite, toutefois, que les laboratoires des prothésistes dentaires et les cabinets des chirurgiens-dentistes s’équipent. « À l’heure actuelle, moins de 5% des 35 000 chirurgiens-dentistes de France sont équipés de la chaîne complète de CFAO », évalue le Dr Chouraqui.

CFAO directe, CFAO semi-directe

Il existe trois types de CFAO en dentaire :

  • la CFAO directe : l’ensemble des étapes est réalisé au cabinet dentaire, le plus souvent en une séance.
  • La CFAO semi-directe : l’empreinte optique est réalisée au cabinet à l’aide d’une caméra intra-buccale et les données sont envoyées numériquement au laboratoire de prothèses, lequel se charge des deux dernières étapes.
  • La CFAO indirecte : le chirurgien-dentiste prend une empreinte traditionnelle à l’aide d’une pâte à empreinte, le résultat est enregistré par un scanner de table au laboratoire de prothèses et le laboratoire confectionne numériquement la prothèse.

La CFAO pour traiter l’apnée du sommeil
Couronnes, bridges, inlays, brackets orthodontiques… les applications de la CFAO dentaire sont nombreuses. Depuis 2008, les orthèses d’avancée mandibulaire peuvent également être conçues et fabriquées selon cette technique. Ces dispositifs sont indiqués dans le traitement des ronflements et de l’apnée du sommeil : elles gardent la mâchoire inférieure et la langue légèrement vers l’avant pour maintenir les voies aériennes ouvertes. Mises en place par un chirurgien-dentiste, elles sont prescrites par un médecin spécialiste du sommeil. Elles se présentent sous la forme de gouttières réalisées à la mesure du patient à l’aide d’une imprimante 3D et d’un matériau biocompatible, le polyamide 12, et ce, à partir d’une empreinte dentaire (empreinte physique ou empreinte numérique). Traditionnellement, ces orthèses étaient conçues à l’aide d’une plaque thermoformable, chauffée et moulée sur un modèle en plâtre. Cette nouvelle technique de conception par CFAO est plus précise et plus ajustable à la morphologie dentaire des patients, ce qui limite l’encombrement en bouche et favorise le confort des patients. Depuis début 2017, le procédé de fabrication de cette orthèse va au-delà de la CFAO : elle peut être désormais fabriquée selon un procédé 100 % numérique grâce à l’intégration des empreintes optiques, la conception des gouttières assistée par ordinateur, jusqu’à l’impression 3D de l’orthèse. Une étude européenne, menée auprès de plus de 70 patients, a démontré les bénéfices de ce procédé : moins d’ajustement pour le praticien et plus de confort pour les patients.

13. Traitements orthodontiques

Des techniques qui redonnent le sourire

Vestibulaire, linguale ou sous forme de gouttières : pour corriger les mauvaises postures de mâchoires, il existe trois méthodes qui, après avoir connu de nombreuses évolutions, font aujourd’hui le bonheur des patients comme des professionnels.
L’orthodontie est une spécialité qui permet de corriger les malpositions dentaires et les malformations des mâchoires afin de redonner une denture fonctionnelle et esthétique. Un traitement orthodontique consiste à appliquer une force sur une ou plusieurs dents de manière à les déplacer et les repositionner pour obtenir un alignement parfait et un équilibre dentaire harmonieux.

Il joue un rôle préventif aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte. Chez les jeunes patients, les dents supérieures trop en avant ont plus de chances d’être fracturées en cas de choc. De plus, les malpositions et les rotations rendent certaines zones difficiles d’accès au brossage ce qui augmente les risques de carie, d’inflammation chronique et l’apparition de tartre sous-gingival pouvant entraîner une perte osseuse responsable, dans certains cas, de mobilité dentaire.

Les spécialistes affirment qu’il n’y a pas de limite d’âge pour faire appel à l’orthodontie, d’autant qu’en vieillissant, les muscles s’affaissent et les dents bougent. Plus on intervient tôt, plus le retour sur investissement est durable. Des dents bien alignées ne seront pas seulement jolies : elles vont mieux vieillir.

L’orthodontie fait appel à trois techniques :

La technique vestibulaire (ou technique classique) est la plus couramment employée car elle est la plus facile à mettre en œuvre et la plus économique. Elle comporte aussi quelques avantages en termes de résultat : elle traite toutes les formes de malocclusion, permet d’exercer un bon contrôle visuel, ne perturbe pas le brossage et offre un grand confort d’utilisation au patient.

La technique linguale tire son nom du positionnement des attaches orthodontiques sur la face interne des dents, situées du côté de la langue. Ce traitement fait appel aux mêmes principes que les techniques classiques. Sa particularité réside dans le fait que l’appareil n’est pas visible. C’est d’ailleurs le perfectionnement de cette technique qui a fait décoller l’orthodontie chez les adultes.

La gouttière transparente ou d’alignement consiste à enserrer les dents dans un sillon de plastique transparent d’un demi-millimètre d’épaisseur, à la manière d’un protège-dents de sportif. Amovible, il se fixe au moyen de rivets collés aux dents. De cette façon, le praticien s’assure que l’aligneur, thermoformé aux mensurations du patient, forcera bien les dents à se redresser progressivement. N’utilisant ni bagues, ni fils, ni vis, cette méthode est discrète et quasi invisible.

Technique vestibulaire

« Cette technique, qui a vu le jour au début du XXe siècle, a déjà connu beaucoup d’évolutions et c’est loin d’être fini », explique Laïla Hitmi, chirurgien-dentiste spécialiste en orthodontie à Brunoy (Essonne). Jusque dans les années 90, les bagues de l’appareil entouraient et scellaient les dents. Pas très gracieux… Mais l’apparition de colles adhérant en milieu humide a bouleversé la donne. « On a alors commencé à coller des boîtiers sur toute l’arcade et l’on a mis au rebut les bagues scellées », se souvient le Dr Hitmi. Finies également les douleurs lors de la pose des brackets puisqu’il n’est désormais plus nécessaire de créer de l’espace entre chaque dent. Les fils ou arcs orthodontiques sont l’une des composantes les plus importantes des appareils multi-bagues. Ils sont attachés aux boîtiers et unissent les dents ensemble pour les guider, les retenir ou appliquer une force qui causera un mouvement dans une direction déterminée. Il existe plusieurs types de fils qui peuvent varier dans leur alliage, leur longueur, leur diamètre et leur forme. Depuis quelques années, de nouvelles attaches dites auto-ligaturantes sont apparues sur le marché. L’arc est maintenu dans l’attache à l’aide d’un clip, un système qui réduit la friction.

Technique linguale

Fréquemment proposé aux adultes car il ne se voit pas, ce dispositif est considéré comme le nec plus ultra de l’orthodontie. Ses objectifs sont identiques à ceux que l’on retrouve dans la technique vestibulaire. Pourtant, le fait que l’appareil soit positionné « sur la face interne des dents induit de nombreuses différences, note Laïla Hitmi. La mécanique n’est pas la même et l’accès est plus difficile. L’attache se trouve loin de la surface à aligner et la distance entre les brackets est plus courte. » Résultat, il est impossible d’utiliser les mêmes alliages, les mêmes arcs et la même colle. De plus, sa proximité avec la langue peut provoquer des irritations et un zozotement. Enfin, cette méthode est trois fois plus onéreuse que la technique vestibulaire. « Le temps en fauteuil est plus long, il faut forcément passer par un laboratoire pour réaliser le set-up virtuel et la fabrication des attaches… Tout cela a un coût non négligeable », confirme le Dr Hitmi.

La gouttière transparente ou d’alignement

Cette technique fait beaucoup parler d’elle ces derniers temps. Les aligneurs transparents sont des dispositifs orthodontiques amovibles destinés à corriger les malpositions dentaires. Portés 22 heures par jour minimum (ils doivent par exemple être retirés au moment des repas et lors du brossage des dents) et remplacés toutes les 2 à 3 semaines sur une période allant de 6 à 24 mois, ils exigent une vraie rigueur. « La participation des patients est essentielle. S’ils ne sont pas suffisamment impliqués, le traitement échouera », prévient le Docteur Arash Zarrinpour, chirurgien-dentiste spécialisé, entre autres, dans l’esthétique du sourire. En revanche, contrairement à la technique linguale, les risques de blessure et le temps au fauteuil sont moindres. Selon le Dr Zarrinpour, l’apparition de la 3D, il y a une quinzaine d’années, a révolutionné la discipline et pourrait contribuer à la rendre encore plus attractive. « L’empreinte de la dentition étant surtout réalisée virtuellement, la pâte sera bientôt reléguée à la préhistoire. Cela offre un grand confort aussi bien pour le praticien que pour le patient. » Les éléments sont constitués en thermoplastique, ce qui les rend très résistants, et sont conçus à la mesure du patient. Mais, là encore, la démarche est onéreuse.

Science vieille de presque trois siècles, l’orthodontie est née d’une grande découverte. En 1728, un dentiste français, Pierre Fauchard, explique pour la première fois au monde comment redresser les dents mal placées. En fait, Fauchard ne s’intéresse qu’aux dents les plus visibles, qu’il redresse à l’aide de ligatures ou d’une petite plaque en métal. Une cinquantaine d’années plus tard, John Hunter, un chirurgien britannique, fervent avocat de la médecine expérimentale, explique dans un livre que l’on ne peut pas compter sur la croissance naturelle pour donner de la place aux dents qui en manquent et qu’il faut extraire une ou deux dents pour pouvoir aligner les autres. Il ne convainc pas tout le monde, et, au début du XIXe siècle, une lutte oppose les pro et les anti-extraction. A la fin du XIXe siècle, les Américains soulignent l’importance des rapports entre les arcades dentaires. Trop souvent, l’une est en arrière par rapport à l’autre, ce qui nuit notamment à la mastication. Assurer de bonnes relations entre les arcades devient alors, avec l’alignement des dents, l’objectif premier du traitement orthodontique. Dès 1886, l’Américain Norman Kingsley invente la force extra-buccale, qui permet de reculer l’arcade maxillaire afin qu’elle soit adaptée à l’arcade mandibulaire. Un dispositif encore utilisé de nos jours.

Au début du XXe siècle, les appareils sont faits de gros fils, attachés aux dents et tenus par deux bagues scellées sur les molaires. Mais un nouveau matériau apparaît : la vulcanite, qui permet de concevoir des appareils mieux ajustés aux dents et que le patient peut enlever pour le nettoyer. Dans les années 20, Edward Angle, un dentiste américain, considère que l’orthodontie doit être l’affaire de spécialistes formés en conséquence. Il élève l’orthodontie au rang de science et contribue, de ce fait, au développement de cette discipline. Dans les années 60, en France, les praticiens spécialisés sont encore peu nombreux et la plupart des traitements sont effectués par des généralistes dont bon nombre sont peu ou mal formés. A cette époque, on s’intéresse encore peu à l’occlusion. La norme est l’indice de Pont, une expansion de l’arcade assurée par des appareils amovibles dits écarteurs.

De fait, il faut attendre les années 90 et l’arrivée sur le marché d’une kyrielle de matériaux innovants pour voir la profession décoller. « On peut même parler de tournant, assure Laïla Hitmi. Par exemple, dans le vestibulaire, les fils à mémoire de forme, qui exercent sur les dents des forces douces, légères et continues. Ils réduisent la durée du traitement (12 à 24 mois contre 3 à 5 ans auparavant) et sont, en ce sens, révolutionnaires. » Composés de nickel et de titane, ils peuvent changer de structure en fonction de la contrainte mécanique exercée et de la température.

Concernant les accessoires, les appareils à appui péricrânien, qui servent à faire reculer les dents, ont évolué à tous les niveaux au milieu des années 2000. Ils sont désormais dotés de mini-vis d’ancrage (sortes de mini-implants) qui « permettent, dans certains cas, d’éviter l’extraction », précise la spécialiste.

En linguale, le premier système abouti est apparu en 2004, d’après le Dr Hitmi. « L’attache dans sa globalité et les fils sont fabriqués sur mesure pour plus de précision, de finesse et une absence de gêne. Il n’y a plus d’intervention manuelle dans la conception de l’appareillage. De l’empreinte jusqu’à la réception du système de transfert pour installer l’appareil, tout le flux est numérique. »

Grâce à toutes ces innovations, le marché de l’orthodontie est en plein essor. La demande, émanant aussi bien des adultes que des enfants, est forte. Et ne risque pas de ralentir au regard des pas de géant qui ont été faits ces deux dernières décennies dans ce domaine.

14. Eclairage

L’éclairage : confort et efficacité de l’exercice

Élément indispensable à la pratique des soins dentaires en cabinet, l’éclairage a considérablement évolué au fil des années pour rendre l’exercice moins fatigant et le geste médical plus exact pour les chirurgiens-dentistes.

L’éclairage en médecine dentaire est primordial puisque 80 % des informations collectées par le praticien à des fins de diagnostic ou de soin, le sont par la vue. Ce sens lui permet d’effectuer de très nombreuses observations non mesurables par des machines : la forme, la position, l’aspect et la couleur des dents, des gencives et des lésions. La qualité de l’éclairage impacte celle du diagnostic, des soins, des chirurgies et des reconstructions prothétiques. La vision relève donc, en dentisterie, du domaine de la haute précision. De plus, l’observation est un exercice continu et intense qui induit des niveaux de fatigue et de stress élevés. L’éclairage doit donc être de très haute qualité. Son intensité, les contrastes, les réflexions parasites, les ombres et la couleur de la lumière émise doivent être parfaitement sous contrôle, sinon, la fatigue du chirurgien-dentiste deviendra intense, la concentration difficile, les erreurs nombreuses pour aboutir à une carrière usante.

L’éclairage dentaire a recours à au moins quatre dispositifs différents :

  • un plafonnier pour l’éclairage général de la salle de soins et des zones de travail, ce qui s’avère primordial car il conditionne le confort visuel.
  • L’éclairage pour le champ opératoire, la bouche (improprement appelé scialytique du nom d’une marque devenu un nom commun).
  • L’éclairage sur chacun des instruments rotatifs, destiné à effacer les ombres portées de l’instrument à l’endroit où le dentiste est en train de travailler.
  • Un éclairage fixé frontalement aux loupes dont se servent un très grand nombre de praticiens.

Chacun des dispositifs médicaux (DM) utilisent une ou plusieurs diodes électroluminescentes (LED), des systèmes optiques (miroirs, lentilles, réflecteurs) ainsi que des composants mécaniques permettant leur positionnement et leur manipulation. Ils doivent pouvoir être facilement nettoyés, désinfectés ou stérilisés de façon à préserver un environnement adéquat aux opérations et soins qui se succèdent afin d’éviter la contamination croisée d’un patient à un autre et de contingenter les risques nosocomiaux.

Aujourd’hui, tous ces dispositifs fonctionnent avec des LED blanches énergétiquement très performantes puisqu’il y a beaucoup de lumière pour peu de consommation électrique. Mais si elles ne sont pas choisies avec soin, elles peuvent générer du stress oxydant susceptible d’accélérer le vieillissement des yeux des praticiens et des assistantes dentaires.

Dès le début du XXe siècle, les chirurgiens ont cherché à s’équiper d’éclairages ne provoquant aucune ombre portée. Le Pr Louis Verain, de la faculté de médecine d’Alger, a déposé la marque « scialytique » en 1919. Sa « lampe opératoire buccale » était destinée – et l’est toujours – à éclairer le champ chirurgical, c’est-à-dire la bouche, sans ombre et à faire la liaison avec la zone de travail autour. Cette double fonction est importante car la vision centrale ne fonctionne bien que si la vision périphérique est bonne. À noter que le nom scialytique a été repris par une entreprise française à Lille.

Dans les années 70, l’arrivée des halogènes a permis la construction de lampes très petites et puissantes. Les scialytiques ont donc évolué dans ce sens mais les ingénieurs n’ont pas tenu compte de l’éclairage environnant, se contentant d’exploiter la puissance.

Éclairage « lumière du jour »

Dans les années 70, un éclairagiste, Charles Gamain, s’est intéressé à la physiologie de l’œil, à la physique de la lumière et à la colorimétrie. A l’origine, il fabriquait des éclairages pour les restaurateurs de tableaux au Louvre. Il s’est penché sur la problématique des chirurgiens-dentistes, ne comprenant pas qu’ils se servent uniquement d’une lampe unidirectionnelle pour soigner les dents. Il a donc créé un plafonnier professionnel recréant un « éclairage lumière du jour », lequel a considérablement modifié la pratique des chirurgiens-dentistes en France. D’un appareil éclairant la bouche et pas autour, les professionnels ont eu à leur disposition deux appareils pour éclairer le champ opératoire et le champ périphérique : le scialytique et le plafonnier. Néanmoins, ils étaient toujours confrontés au problème des ombres portées des instruments dans le champ opératoire. Dans les années 80, la lumière a donc été directement rajoutée sur les instruments dont se sert le praticien pour dispenser ses soins. A la même période, le plafonnier a évolué pour devenir multidirectionnel afin d’éclairer uniformément toute la salle de soin. L’uniformité de l’éclairage offert par dispositif a permis de reproduire un éclairage dans la pièce de soins proche de l’éclairage extérieur.

Arrivée des LED

La dernière grande évolution date du milieu des années 2000, avec l’apparition des LED et la création du premier scialytique à LED et non plus à halogène. Les plafonniers en ont été dotés en 2010. Outre la longue durée de vie d’une LED, cela permet de produire de la lumière avec 5 fois moins d’électricité.

Cependant tous les éclairages dentaires LED entre 2006 et 2010 étaient équipés de LED froides à spectre irrégulier comportant une pointe de bleu toxique. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a d’ailleurs lancé une alerte sur ce sujet fin 2010. Au même moment, un premier scialytique traitait cette problématique en émettant une lumière blanc neutre. Pour autant, la qualité spectrale des LED n’était pas aboutie. Ce n’est qu’en 2014 que les évolutions technologiques ont permis le développement d’un plafonnier conforme au D65, (étalon normatif de la lumière du jour), et en 2017 que quelques scialytiques ont été mis sur le marché avec des spectres se rapprochant suffisamment de la lumière naturelle.

Le chirurgien-dentiste peut dorénavant disposer d’une vision exacte des formes et des couleurs, son œil fonctionne au mieux de ses possibilités, il est moins fatigué. Il y a également moins de réflexion sur les dents et donc moins d’éblouissement. Aujourd’hui, les chirurgiens-dentistes n’ont plus besoin de tenir compte de la météo et de l’éclairage extérieur pour fixer les rendez-vous de prise de teinte pour les prothèses, par exemple.

La prochaine étape repose sur la généralisation de ces LED et leur application à tous les dispositifs utilisés par le chirurgien-dentiste. Cette technologie devrait déboucher sur une révolution extraordinaire : intégrer les LED à la peinture. La création de l’ambiance des cabinets pourrait donc se faire directement depuis les murs.

TÉMOIGNAGE

René Serfaty, chirurgien-dentiste, Maître de conférences des universités, praticien hospitalier, responsable du diplôme universitaire d’esthétique du sourire à la faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg.

« En tant que chirurgien-dentiste, je pose des prothèses dentaires en céramique et pendant toute ma carrière, le choix de la couleur s’est fait plein nord, entre 11h00 et 15h00. Ce qui m’obligeait parfois à demander à mes patients de revenir. Depuis un an et demi, j’ai un nouveau plafonnier à LED D65 qui me permet de travailler comme si j’étais en pleine lumière du jour, quelle que soit l’heure et directement au fauteuil. Je bénéficie d’une stabilité et d’une reproductibilité de la couleur aussi proche que si le choix était effectué à la lumière du jour. C’est vraiment important car je fais beaucoup d’esthétique. Même le soir, lorsqu’on rentre dans la pièce de soins, j’ai toujours l’impression qu’elle est très bien illuminée. Cette belle lumière joue sur mon psychisme car je travaille dans des conditions plus agréables et en fin de journée, j’ai moins de fatigue au niveau des yeux. C’est un grand changement dans ma carrière. »

15. Instrumentation dentaire

La précision et la fiabilité à portée de main

Pinces, sondes, spatules, curettes, miroirs, contre-angles, brossettes, ciseaux, bistouris, détartreurs, seringues… : ces instruments, de plus en plus solides et perfectionnés, figurent parmi les outils les plus indispensables du cabinet dentaire moderne.
Les chirurgiens-dentistes ont besoin d’outils extrêmement variés, ergonomiques et fiables pour réaliser leurs actes de prévention, de soin, de pose de prothèse et d’implant mais aussi de chirurgie dentaire. Les sondes permettent, par exemple, grâce à leur extrémité pointue, de vérifier la sensibilité de la dent et de détecter la présence de caries. Les contre-angles, grâce à leurs mouvements rotatifs, servent, eux, à éliminer les caries. À cela s’ajoutent, bien sûr, les gants, masques, lunettes et autres blouses nécessaires à l’hygiène du cabinet dentaire.

Ces dispositifs médicaux sont, aujourd’hui, réunis au sein d’un « unit », c’est-à-dire en un seul ensemble rattaché au fauteuil dentaire « pour rationaliser les circuits de distribution de l’eau, du gaz, de l’air comprimé, de l’électricité et de l’évacuation des eaux usées », détaille le Dr Claude Rousseau dans son ouvrage « Histoire de l’aménagement opératoire du cabinet dentaire ».

Les instruments dentaires dits de base peuvent, pour schématiser, être classés en deux catégories :

  • les instruments fixes, tels que les sondes, spatules, ciseaux, bistouris électriques etc.
  • les instruments rotatifs à air ou électriques comprenant, d’une part, une fraise coupante ou abrasive adaptée au type d’intervention souhaité et actionnée au moyen d’une turbine (un rotor est entraîné grâce à un engrenage lui-même entraîné par de l’air comprimé) et, d’autre part, une pièce droite ou anglée (contre-angle), en titane ou en acier entraînée grâce à un moteur à air ou électrique.

« L’aménagement opératoire des cabinets dentaires avant 1915 donnait l’impression d’un agencement désordonné avec ses nombreux bras muraux et ses tuyaux gainés qui semblaient suspendus au plafond », qu’il s’agisse des tuyaux d’alimentation des ustensiles ou de vidange du crachoir, décrit le Dr Claude Rousseau. Les instruments étaient, eux, disposés sur une table de travail tandis que sur une autre, « sorte d’établi », « étaient placés limes, scies, poinçons, marteaux, des fils d’or et des fils de soie, du plomb, de l’ivoire et des morceaux d’os », rappelle Augustin Cabanès dans son ouvrage « Dents et dentistes à travers l’histoire ». C’est dans les années 20 qu’apparurent les premiers « units » qui regroupaient, sur une même colonne fixe, tout l’équipement nécessaire au dentiste. Peu à peu, tous les instruments furent rattachés au fauteuil en un ensemble unique. Le premier poste de traitement, c’est-à-dire le premier fauteuil intégrant tous les instruments dentaires rotatifs comme fixes, vit le jour en 1983.

Essor de l’arsenal dentaire

Bien entendu, ces instruments connurent de nombreuses évolutions. Et ce, avant même 1983. Les ouvre-bouches et abaisse-langues pour maintenir la langue en position basse pour une meilleure visibilité et un meilleur accès d’intervention étaient d’usage dans les cabinets dentaires dès les XVe et XVIe siècles. Les pinces de fer, de plomb ou encore d’argent, droites ou courbes, aussi connues sous le nom de tire-racines, tenailles, pincettes ou tiges avec crochets, étaient utilisées pour saisir les dents et/ou les racines. Des limes, grattoirs, ciseaux, burins et sondes en métal, accompagnés de petits miroirs, servaient, eux, à enlever la plaque et le tartre dentaire, bien que les premiers prototypes – de grande taille et peu ou mal angulés – n’étaient pas adaptées à l’odontologie. Des cautères en métal, parfois en or, permettaient de cautériser les plaies.

Entre le XVIe et le XIXe siècles, les instruments manuels en métal furent peu à peu proposés en acier inoxydable. Les sondes, de plus en plus petites et d’angles variables, furent adaptées à la discipline dentaire pour être facilement maniables et manipulables en bouche. Puis les instruments électriques se développèrent (la première perceuse électrique apparut en 1887) de même que les instruments rotatifs.

L’Ère de l’instrumentation rotative

La dentisterie entre dans une nouvelle ère avec le premier moteur à air de G. F. Green, dès 1868. Il était composé d’un soufflet actionné par une pédale ; l’air était propulsé via un tuyau en caoutchouc et permettait de faire tourner la fraise abrasive (aussi connue sous le nom de « roulette »). En 1871, Green conçut « un petit moteur électrique dentaire », « alimenté par une batterie », rappelle le Dr Claude Rousseau. Ce moteur, attenant à la fraise, était toutefois lourd et volumineux, donc peu maniable. La batterie était quant à elle insuffisamment puissante pour tailler les tissus durs de la dent. Il fut donc abandonné quelques années plus tard.

Un nouveau pas fut franchi en 1957 lorsque J. V. Borden présenta la première turbine à air, baptisée Airotor, dont la vitesse de rotation oscillait entre 5 000 et 350 000 tours par minute. Améliorée dans les années 60, elle fut « adoptée unanimement et très rapidement » par toute la profession dentaire, détaille le Dr Gérard Braye dans l’ouvrage « 40 ans de chirurgie dentaire ». Les fraises lisses servirent dès lors à polir et à nettoyer délicatement l’intérieur d’une dent cariée ; les fraises à gros reliefs à éliminer des morceaux entiers d’une dent abîmée. Leur usage fut complété par celui du micromoteur électrique dès les années 70 et 80.

Maximum de confort

Depuis les années 80, les « équipements satellites » des chirurgiens-dentistes « s’imposent en occupant une place de plus en plus importante » : instrumentation sonique et de haute fréquence, bistouri électrique, localisateur d’apex, lampe à polymériser, injecteur d’air et d’anesthésie ou encore irrigateurs « font maintenant partie d’un arsenal parfois complété d’un microscope opératoire, d’un laser et d’une radio panoramique », détaille le Dr Rousseau. Les fraises intègrent une source de lumière et d’eau (trois à quatre jets) ; elles sont en outre plus légères et plus résistantes à la chaleur grâce à l’utilisation de titane (tout en laissant la tête de l’instrument en acier, notamment), plus ergonomiques et plus complètes en termes de choix de vitesse de rotation. Elles sont également plus silencieuses (certains modèles peuvent désormais produire un son de 2,2 décibels maximum avec jet d’eau et 2 décibels maximum sans jet d’eau). Les contre-angles, plus légers et plus petits de 11 à 12 millimètres, permettent également aux chirurgiens-dentistes de travailler de longues heures avec « un minimum de fatigue » et « un maximum de confort pour les patients », complète le Dr Gérard Braye. Enfin, les traitements, rendus plus aisés par ces instruments rotatifs, durent moins longtemps : ainsi, un détartrage standard prend quelques dizaines de minutes, contre plus d’une heure auparavant.

400 000 tours par minute

Les modèles récents de fraises dentaires, qui fonctionnent avec des turbines, peuvent atteindre une vitesse de rotation de 400 000 tours par minute. Les contre-angles entraînés par un moteur à air ou un moteur électrique peuvent atteindre 125 voire 200 000 tours par minute (en fonction du contre-angle choisi).

16. Fauteuil dentaire

Le confort du patient et du professionnel

Assise du patient pendant les soins, le fauteuil dentaire est doté de nombreuses options de réglage pour le confort du patient mais, surtout, pour celui du chirurgien-dentiste.

Le fauteuil dentaire est l’assise sur laquelle s’assoit le patient du chirurgien-dentiste afin de recevoir des soins en bouche. Ce fauteuil, qui peut s’élever et descendre verticalement et dont le dossier peut plus ou moins s’incliner, maintient en permanence la tête du patient dans le même champ afin que le praticien puisse dispenser des soins dans la position qui soit la plus adaptée pour lui. Le fauteuil dentaire doit obligatoirement être stable car sur certaines installations modernes, l’ensemble du matériel y est fixé afin de monter et descendre simultanément.

L’ensemble fauteuil dentaire est composé deplusieurs éléments : le siège sur lequel va s’assoir puis être allongé le patient, le crachoir, l’éclairage, le support aspiration chirurgicale et l’unit où sont installés l’ensemble des instruments nécessaires aux soins dentaires du patient et qui requièrent de l’air, de l’eau et de l’électricité pour fonctionner tout comme le support à aspiration chirurgicale.

Aujourd’hui, quelques fabricants utilisent encore des vérins hydrauliques mais cela est relativement rare. La majorité des fauteuils sont électriques et comportent des composants électroniques. Depuis les années 2000, le système électrique permet d’équiper les fauteuils dentaires d’écrans tactiles, fixés sur l’unit. Ces tableaux de commande font fonctionner les différentes options du fauteuil dentaire, notamment les programmes de position de l’assise mais aussi l’éclairage, les instruments dynamiques et l’aspiration chirurgicale.

L’existence du fauteuil dentaire remonte au XIXe siècle. A l’époque, il s’agissait d’une simple chaise, classique, avec des accoudoirs à laquelle n’était rattaché aucun instrument. Le chirurgien-dentiste disposait, à côté, d’une armoire pour ranger ses instruments. D’ailleurs, le praticien ne soignait pas vraiment les dents mais se « contentait » de les extraire lorsqu’elles étaient abimées.

Le premier fabricant français a créé un fauteuil un peu plus spécifique en 1921. Il n’était néanmoins pas propre à la pratique de la chirurgie-dentaire, les fauteuils des coiffeurs étant similaires, à la seule différence que ceux des dentistes étaient équipés d’une têtière mobile avec différentes possibilités de mouvement. Le patient était donc assis, avec le dossier légèrement incliné et le praticien travaillait débout. Il pouvait faire monter ou descendre le fauteuil verticalement en activant une pompe avec son pied.

Après la Seconde Guerre mondiale, peu d’innovations sont à souligner. Il faut attendre les années 60 pour identifier des changements notables dans le fonctionnement des fauteuils notamment parce que les chirurgiens-dentistes ont exprimé la volonté de pouvoir travailler assis et non plus debout avec un patient allongé. Les industriels ont donc fait évoluer le fauteuil dentaire avec un système électrique d’élévation à parallélogramme déformable permettant une grande amplitude de montée et une pédale de commande activant les différents mouvements du fauteuil.

Des fauteuils optimisés

De nouveaux modèles de fauteuil dentaire apparurent dans les années 90, en particulier le fauteuil à montée latérale qui implique l’absence de parallélogramme au sol. Une bande sur le côté permet de maintenir l’ensemble du fauteuil, de le lever et de le descendre dans son intégralité. Le praticien n’est donc plus gêné par la base de l’ensemble dentaire dont la taille est également réduite. D’autres types fauteuils permettent aussi au patient de s’installer sur le fauteuil en position assise avant que le dossier ne s’allonge. C’est là un réel avantage pour les personnes âgées qui peuvent parfois avoir des difficultés à s’installer directement en position allongée. Enfin, certains industriels ont été novateurs en créant un fauteuil-coque dans lequel le patient s’assoit avant de basculer complètement. L’avantage, pour le patient, est de se retrouver dans une position extrêmement confortable et, pour le praticien, d’avoir un meilleur accès au champ opératoire.

Le crachoir et le support aspiration

Le crachoir est un élément qui tend à disparaître pour des raisons hygiéniques et pratiques. Lorsque le patient est allongé, il est en effet nécessaire de remonter le dossier afin qu’il puisse cracher, ce qui génère une perte de temps et entraîne le développement de l’aspiration chirurgicale. Celle-ci évite donc au patient de cracher pendant la durée des soins. A titre indicatif, de nombreuses facultés dentaires françaises sont équipées de fauteuils sans crachoir et apprennent aux étudiants à travailler uniquement avec une aspiration chirurgicale dont le support des canules est le plus souvent fixé au fauteuil. Cette évolution date des années 70 et tend à généraliser.

17. Compresseurs d’air

Les poumons du cabinet dentaire

« Dès 1970, l’instrumentation “tout air“ » et le « travail avec aspiration » obligent les chirurgiens-dentistes « à s’équiper de puissants ensembles d’aspiration et de compresseur », rappelle le Dr Gérard Braye dans l’un des chapitres de l’ouvrage « 40 ans de chirurgie dentaire, 1968 – 2008 ». Depuis, les appareils de compression de l’air sont devenus incontournables, jusqu’à devenir les « poumons » des cabinets dentaires.
L’air comprimé produit par un compresseur dentaire joue un rôle important dans un cabinet et/ou un laboratoire dentaire : il alimente tous les instruments rotatifs, les systèmes d’aspiration et les appareils de stérilisation (ou « autoclaves »). Il sert, par exemple, à sécher le site sur lequel doit intervenir le chirurgien-dentiste avant le scellement d’une prothèse ou la réalisation d’une obturation dentaire. Il est donc impératif, au nom de la qualité et de la sécurité des soins, que l’air comprimé soit sans huile, sec, hygiénique (c’est-à-dire dénué de toute particule et de toute bactérie) et à débit constant.

L’air ambiant est comprimé par des pistons puis passe dans un radiateur muni d’un ventilateur qui force la condensation du maximum de vapeur d’eau. L’eau de condensation est récupérée puis évacuée dans un flacon de récupération. L’air pénètre, lui, dans un sécheur d’air à absorption où la vapeur restante est éliminée. Dans d’autres systèmes, plus récents, l’air est filtré par une membrane fibreuse. Il est ensuite stocké dans un réservoir avec revêtement intérieur antibactérien.

Les premiers instruments dentaires fonctionnaient selon le même principe que les premières machines à coudre : les dentistes actionnaient une pédale pour faire tourner la turbine. « L’arrivée de la turbine à air dans les années 60 fut une révolution pour l’exercice dentaire », souligne l’Association de sauvegarde du patrimoine de l’art dentaire. Une innovation rendue possible grâce à l’invention des compresseurs à air.

En quête d’air pur

Les premiers générateurs d’air comprimé en chirurgie dentaire, mis sur le marché dans les années 50, fonctionnaient à l’aide d’un piston et d’une pompe hydraulique, chargée de fournir de l’huile dans le circuit pour éviter toute friction. Afin d’améliorer la qualité de l’air, des compresseurs exempts d’huile firent leur apparition en 1965. Le piston, isolé par du téflon, ne nécessitait plus de lubrifiant lequel, bien souvent, s’oxydait, se déposait et finissait par se transformer en résine, abîmant le compresseur et les instruments dentaires à air. Sans compter que la moindre pellicule huileuse issue du compresseur compromettait l’adhésion des matériaux d’obturation dentaire (amalgames etc.) dans la bouche.

Chasse à l’humidité

En 1974, un nouveau jalon fut franchi avec le lancement de compresseurs d’air sec incorporant un système chimique d’absorption à base de silicates. Ce système permettait d’absorber l’humidité de l’air, assez importante sous nos latitudes et qui, malheureusement, favorisait l’oxydation des instruments odontologiques et le développement des germes dans les réservoirs. Il impliquait toutefois un temps de régénération assez long pour assécher les silicates ainsi que des purges régulières qui, souvent, ne suffisaient pas à assécher complètement le système.

Air très sec en continu

Depuis 2007, de nouveaux compresseurs reposent donc sur un système à membrane. L’air passe à travers cette membrane fibreuse, laquelle filtre l’humidité de l’air. La régénération du système s’effectue pendant la montée en pression de l’air et ne nécessite plus d’interruption d’activité du compresseur. Ce système, plus asséchant, est plus hygiénique. La maintenance des compresseurs, mieux protégés contre l’oxydation, se réduit désormais à un changement de filtre annuel…

Le silence est d’or

Autre avancée majeure, les modèles les plus récents disposent d’une cuve en cuivre antibactérienne. Le réservoir d’air comprimé est ainsi doté d’un revêtement spécifique destiné à éviter la prolifération de bactéries. Avec le temps, la taille et la puissance des appareils ont également évolué : ces derniers sont moins encombrants et plus adaptés à la pratique dentaire. Le nombre de pistons varie et certains modèles en présentent plus de trois. Les dernières générations sont également moins sonores, pour le confort des praticiens comme des patients. Plus design, ils sont aussi, depuis 2010-2011, plus écologiques car ils consomment moins d’énergie.



Dernière mise à jour : 05/05/2021