Livret orthèses

Les premières orthèses connues datent de 2000 ans avant Jésus-Christ. Autant dire que la ceinture lombaire de l'époque ou la main de fer du moyen-âge n'ont plus rien à voir avec les orthèses d'aujourd'hui ! Sauf leur finalité : corriger ou prévenir une déformation, améliorer une fonction déficiente, immobiliser ou assister un muscle, ... Retrouvez dans ce livret, préfacé par le Professeur Philippe Thoumie, l'histoire des orthèses : orthèses du tronc, orthèses du membre supérieur, orthèses du membre inférieur,...

Orthèses, les dispositifs de la mobilité retrouvée

Pr Philippe Thoumie, Chef du service de médecine physique et de réadaptation, à l’Hôpital Rothschild (Paris)

Synthèse plus que thèse, ce livret réjouira ceux qu’une approche peut-être trop technologique aurait rebutés vis-à-vis de la lecture d’une mise au point concernant ces dispositifs médicaux.

Alors que l’histoire du médicament remonte difficilement avant la fin du XIXe siècle, les orthèses peuvent s’enorgueillir d’une histoire qui a traversé les siècles. Si elles ont considérablement évolué à travers ces périodes, elles le doivent aux améliorations technologiques certes, qui seront rappelées dans cet ouvrage, mais également aux modifications du profil des pathologies et aux alternatives thérapeutiques, qu’elles soient médicales ou chirurgicales. Les orthèses ont en effet un point commun entre elles, c’est qu’elles ne s’utilisent qu’exceptionnellement seules mais le plus souvent en complément d’un traitement médical, pharmacologique ou rééducatif, ou d’une approche chirurgicale, cette association étant elle-même variable dans le temps : appareillage provisoire post-opératoire, appareillage définitif d’une lésion séquellaire, appareillage symptomatique dans la lombalgie… tous les cas de figure peuvent être proposés.

Le champ d’utilisation des orthèses paraît vaste tant les applications reconnues ou pressenties trouvent place dans un grand nombre de pathologies du quotidien, de la traumatologie historique à l’orthopédie des déviations rachidiennes ou plus récemment aux pathologies rhumatismales. Les discussions que nous pouvons avoir avec les orthoprothésistes, plus à même de trouver des applications que parfois nous ne soupçonnons même pas, nous confortent dans l’idée qu’une diffusion des connaissances parait indispensable à l’utilisation de ces dispositifs au quotidien, à la fois à l’attention des professionnels de santé mais également des patients qui y puiseront peut-être des idées vis-à-vis de leur propre situation au quotidien.

Tels sont les objectifs de ce livret qui permettra, par une approche délibérément narrative et anecdotique par moment, de faire le point sur une approche thérapeutique souvent mal connue mais qui acquiert maintenant ses lettres de noblesse en s’imposant de répondre, au même titre que le médicament, aux questions portant sur les critères d’efficacité, de tolérance et de validation clinique afin d’en préciser le service médical rendu. Aides à la conception, outils connectés, appareillages incluant une libération d’agents pharmacologiques, les solutions à venir sont déjà dans les laboratoires de recherche et bientôt à notre disposition afin d’améliorer encore la place de ces dispositifs dans l’arsenal thérapeutique pour le plus grand bénéfice de nos patients.

Un écueil courant consisterait à confondre prothèses et orthèses. Les premières, dont l’emploi est relativement récent, remplacent une partie du corps, un organe ou une articulation comme les prothèses de hanche, par exemple. Les secondes corrigent ou préviennent une déformation, améliorent une fonction déficiente, immobilisent ou assistent un membre, une articulation ou un muscle, stabilisent une posture, soulagent la douleur. La première orthèse connue date d’à peu près 2000 ans avant notre ère. Il s’agirait d’une ceinture lombaire mais l’on ne sait pas, à dire vrai, si elle avait une visée thérapeutique ou esthétique. L’histoire des orthèses se confond avec celle de la médecine. On attribue à Hippocrate, le père de la médecine, l’invention d’un lit exerçant à la fois une traction et une pression sur le tronc du patient atteint de scoliose. Il comprend qu’il faut immobiliser le tronc pour traiter la scoliose. Pour ce faire, il utilisera des bandages enduits de cire d’abeille.

Les bandagistes-machinistes, des précurseurs

La première orthèse de main date du Moyen-Age. Elle a la forme d’un gant en acier. Quant aux attelles de la jambe, imaginées pour la déambulation, Ambroise Paré au XVIe siècle en dessine le profil. Les premières de ces orthèses en acier, réalisées dans les siècles qui suivront, ressemblent plutôt à des armures qu’à un dispositif orthopédique. Du reste, le mot orthopédie ne sera utilisé que beaucoup plus tard. Il est employé en 1741 dans le traité de Nicolas Andry dont l’objectif est clairement annoncé dès le titre : « L’orthopédie ou l’art de prévenir et de corriger dans les enfants les difformités du corps ». L’auteur insiste sur la nécessité d’adopter une bonne posture pour éviter les déformations de la colonne vertébrale. A la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, de nombreux appareils – lits, chaises, corsets – sont conçus pour corriger les déviations de la colonne. Le Toulousain Jacques Mathieu Delpech, qui exerce la chirurgie à Montpellier, écrit en 1828 un « Traité d’orthomorphie » et fonde l’Institut d’orthomorphie où l’on pratique la gymnastique correctrice et la rééducation active et où l’on développe de nombreux appareils. Charles Gabriel Pravaz, dans les années mille-huit-cent-trente, publie des ouvrages consacrés au traitement des déviations vertébrales. Il crée, quant à lui, l’Institut orthopédique du Château de la Muette à Passy, en 1829 avant d’ouvrir une succursale à Lyon. À cette époque, médecins et techniciens, que l’on appelle alors des bandagistes machinistes, vont travailler de concert pour mettre au point la fabrication de corsets.

Le plâtre, ce n’est pas un décor

Longtemps, le cuir et le fer prédominent. Toutefois, le plâtre fait son apparition dès le début du XIXe siècle. Kupl et Kluge, à l’Hôpital de la Charité de Berlin, utilisent pour la première fois la technique des moulages plâtrés en 1828. A la fin du XIXe siècle, un brevet de bandes à plâtre adhérant est déposé en Angleterre. Pour certaines pathologies, il n’existe alors pas d’autres traitements que le traitement orthopédique. C’est le cas de la tuberculose osseuse qui entraînait une sévère déformation du rachis et des membres. C’est aussi le cas de la poliomyélite avant que la vaccination ne finisse par presque éradiquer la maladie. Les patients qui survivent à ces pathologies graves pour l’époque sont traités avec des orthèses pour pallier les conséquences du mal.

L’orthopédie et les orthèses connaissent cependant un essor au cours du XXe siècle alors même que ces pathologies ont quasiment disparu de nos contrées. Mais il est d’autres déformations qui, si elles ne sont pas mortelles, sont invalidantes. Tel est le cas de la scoliose, de la cyphose, des déviations de la colonne vertébrale, acquises ou congénitales. C’est également le cas de la maladie du siècle, le mal de dos ou lombalgie, l’une des
premières causes d’absentéisme au travail. Comme le fait remarquer le professeur de médecine physique et de réadaptation, le Pr Philippe Thoumie, du service de rééducation neuro-orthopédique de l’Hôpital Rothschild, la demande pour les orthèses est de plus en plus importante au cours du XXe siècle.

La main de l’artisan

Les traitements orthopédiques s’améliorent d’abord progressivement puis nettement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1945, l’Américain Blount met au point, avec l’aide de Schmidt, un corset très efficace chez l’enfant, appelé depuis le corset de Milwaukee. Il va en inspirer bien d’autres. Les décennies soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix, connaissent des bouleversements technologiques avec l’arrivée de nouveaux matériaux, les matériaux thermo-formables, qui permettent de fabriquer des orthèses plus légères, mieux adaptées d’un point de vue anatomique et réalisables sur mesure et, surtout, mieux tolérées par le patient. En effet, les produits doivent faire l’objet d’une observance de la part du patient et donc doivent être portés par lui.

Le recours au numérique va être d’une aide considérable avec la conception assistée par ordinateur de grands appareillages. Un repérage minutieux par scanner permet de faire un relevé du membre à appareiller et de dessiner la forme d’orthèse qui convient le mieux à tel ou tel patient. « On est dans l’ultra-personnalisé. Cette conception ira en se développant car elle permet une précision millimétrique », prédit le Pr Philippe Thoumie. Cependant, le praticien estime que la conception assistée par ordinateur entre en compétition avec le moulage classique, mais ne remplace pas nécessairement la main de l’homme. « La main a des milliers de capteurs. La main de l’homme, son cerveau, la mémoire de l’appareilleur donnent à celui-ci un savoir-faire clinique que la machine n’a pas. »

Des effets spéciaux grâce au numérique

Avec l’apparition des techniques modernes, on assiste à un double mouvement : d’une part, à une production en série, comme pour les ceintures lombaires qu’il est aisé de se procurer en pharmacie ; d’autre part, à une personnalisation des orthèses après une prise d’empreintes et des mesures réalisées sur le patient. 95 % des patients portent une orthèse fabriquée en série. Mais même la conception des produits fabriqués en série est assistée par ordinateur. L’orthopédie est entrée, elle aussi, dans l’ère du numérique. Les orthèses sont créées avec des logiciels de conception dédiés. L’emploi de l’ordinateur augmente la vitesse de développement des produits ainsi que la précision du développement. Il permet également de simuler l’action d’une prothèse sur une articulation. Et, bien entendu, le relevé par scanner du rachis ou du membre à appareiller permet de réaliser rapidement des orthèses sur mesure, d’où un gain de temps et de précision.

L’intégration d’objets connectés dans une orthèse est désormais de l’ordre du possible. Un objet connecté peut, par exemple, permettre d’évaluer la qualité de la marche, la flexion ou l’extension d’un membre et donc d’apprécier dans quelle mesure elle est efficace. Pour autant, la commercialisation d’objets connectés dans un cadre médical pose d’autres problèmes, notamment d’ordre éthique. Mais c’est une autre histoire...

Maintenir, prévenir, corriger

Les orthèses du tronc et du cou viennent au secours de la colonne vertébrale mais à des degrés divers. Tantôt, il s’agit d’immobiliser le tronc pour faciliter la consolidation d’une fracture ou pour éviter une déformation, tantôt il s’agit plutôt de soulager une douleur ou d’éviter la chronicité de celle-ci.

Dans le premier cas, on utilisera un grand appareillage, un corset plus ou moins rigide réalisé sur mesure. Dans le second cas, les ceintures lombaires peuvent être utilisées. Elles répondent à une rhumatologie et une traumatologie du quotidien. Elles sont disponibles en plusieurs tailles et sont adaptables à tout type de patient et de situation. L’évolution des tissus et des matériaux permet d’allier efficacité et confort ainsi qu’une bonne tolérance par le patient. Pour les corsets comme pour nombre d’orthèses, l’arrivée de matériaux thermoformés a été une évolution considérable.

De l’âge du fer à l’ère numérique

Qu’ils soient utilisés suite à un traumatisme ou en raison d’une déformation de la colonne vertébrale, les corsets jouent un rôle essentiel de tuteur. Au fil des siècles, ils sont devenus de plus en plus confortables et se sont adaptés aux besoins des patients.

Les orthèses du tronc sont utilisées dans plusieurs situations. Dans un contexte traumatique, le corset immobilise le tronc. Prenant appui sur la partie basse de la colonne, sa hauteur peut varier en fonction de la nature du traumatisme et peut remonter jusqu’au thorax. On parle alors de corset thoraco-lombo-sacré.

Le corset est aussi employé pour prévenir ou remédier à une déformation du rachis. La scoliose est l’indication la plus fréquente du port d’un corset. Moins fréquente mais tout aussi indiquée est la cyphose où la courbure de la colonne est accentuée vers l’avant. Il existe d’autres indications du corset dans certaines formes d’ostéoporose.

Le corset, plus ou moins rigide selon les cas, maintient le tronc immobile. Il exerce alors une pression sur la colonne pour corriger ses déviations. Il joue également un rôle de tuteur de la colonne. Dans le cas de traumatisme grave, il empêche tout mouvement qui pourrait aggraver la situation. On songe évidemment au risque de tétraplégie dans le cas d’une fracture de la colonne vertébrale. Il est porté durant deux ou trois mois, le temps de la consolidation osseuse. C’est heureusement peu fréquent. Dans le cas de la scoliose, le corset a deux objectifs : réduire la déformation et éviter sa progression. Il faut intervenir le plus tôt possible afin de guider la colonne vers la bonne posture. Le port d’un corset est alors conseillé durant plusieurs années. Comme il est généralement porté durant l’adolescence, entre 12 et 16 ans, il faut évidemment en changer au fur et à mesure de la croissance. Le corset est moulé en fonction de la taille du patient.

A une époque où la neurochirurgie n’existait pas encore, où il n’était pas question d’intervenir chirurgicalement sur la colonne vertébrale, le seul remède à certaines malformations était l’orthopédie (bien que le nom lui-même n’existe pas encore). Mais tous les individus frappés d’un handicap acquis ou congénital, que l’on appelait les gibbeux ou les boiteux, étaient traités avec des appareils qui nous paraissent aujourd’hui un peu barbares.

L’âge du fer

L’histoire de cet appareillage est intimement liée au traitement de la scoliose et des déformations de la colonne vertébrale, qu’elles soient héritées à la naissance ou acquises à la suite d’une mauvaise posture. Hippocrate, le premier, se penche sur la scoliose et invente un lit associant traction et pression. D’autres lits, plus ou moins compliqués, suivront au cours des siècles pour remédier aux déformations. Quelques-uns ressemblent plus à un instrument de torture qu’à un appareillage médical. Mais c’est à Ambroise Paré, le célèbre chirurgien qui découvrit la circulation sanguine, que l’on doit le premier corset métallique, présenté vers 1550.

Puis, entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, différents appareils sont mis au point – lit, chaise, corset – qui visent à corriger les déformations du tronc par extension ou par pression.
En 1772, Guillaume Levacher de la Feutrie conçoit déjà un corset, considéré comme l’ancêtre des
corsets actuels et le Suisse Jean-André Venel un lit à extension horizontale. Jacques-Mathieu Delpech crée, lui, le premier un corset articulé. Enfin, en 1835, le Dr Hossard d’Angers va présenter une ceinture à levier.

L’ère du plâtre

Les corsets utilisés jusqu’alors sont faits de bois, de cuir, parfois de métal. Ce n’est qu’au XIXe siècle que le plâtre fait son apparition. Il est très largement utilisé pour réaliser des moulages sur les patients. Mais le plâtre a un inconvénient : il est irritant pour la peau et, donc, mal supporté par les patients.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le corset en vogue est celui mis au point à la faculté de Milwaukee, aux États-Unis. Il est encore très compliqué : il est constitué d’une ceinture pelvienne en cuir moulé qui s’ouvre par des charnières, d’un cercle thoracique branché sur celle-ci à l’aide de ridoirs, de quatre mâts qui supportent une têtière très volumineuse comportant deux appuis occipitaux et un plat mandibulaire. Ce corset a pour principe l’extension de la colonne vertébrale… Les mâts et la têtière sont réglables. Une main d’appui fixée aux mâts par une sangle corrige la gibbosité. Cet appareil va se simplifier par la suite et inspirer les corsets à venir. En 1949, le Lyonnais Pierre Stagnara procède au traitement de la scoliose en deux étapes. La première consiste en la réalisation d’un plâtre dans la position de correction réalisant une triple action : élongation, dérotation, flexion. La deuxième phase consiste en la réalisation d’un corset polyvalve, composé d’une coque pelvienne, de deux mâts sur lesquels sont fixés des plaques et de valves selon les déformations à corriger.

En 1972, Hall et Miller présentent à Boston un corset réalisé à partir de modules préfabriqués. Il en existe trente tailles différentes. La coque extérieure est en polypropylène et la doublure intérieure est en polyéthylène, deux matériaux thermo-formables. Au cas où les mesures prises sur le patient ne correspondraient pas à un module préfabriqué, le corset est réalisé sur moulage. Puis, en 1976, le corset appelé Body Jacket, créé par McEven et Bunnel, est moulé directement sans passer par la phase de réduction plâtrée. Il s’agit d’un corset mono valve réalisé en matériau thermoformable qui se ferme par devant avec des sangles en velcro et dont les appuis et contre appuis sont en mousse. Il connaît des variantes en fonction du type de scoliose à corriger.

L’époque moderne

Les années soixante-dix voient en effet le développement des matériaux thermoformables. Il s’agit de matériaux qui, portés à une certaine température, vont pouvoir être moulés ou modelés. Une fois refroidis, ils vont conserver la forme qu’on leur a fait prendre. Du polystyrène au polyéthylène ou au polyuréthane, différents plastiques sont à la disposition des fabricants. Ces plastiques se prêtent aisément au moulage en série ou sur mesure. Les nouvelles orthèses destinées à soutenir et à guider le rachis sont, pour le professionnel, plus faciles d’utilisation. Elles sont exemptes des complications qu’une immobilisation plâtrée rigide peut entraîner. Pour le patient, elles sont plus supportables. « Certes, il y a encore des vertus à l’immobilisation plâtrée pour une stricte immobilité », concède le Pr Thoumie, Chef du service de médecine physique et de réadaptation de l’Hôpital Rothschild, mais désormais, les appareilleurs peuvent jouer sur la plus ou moins grande résistance de l’orthèse, la plus ou moins grande légèreté des matériaux à leur disposition, sur leur plus ou moins grande propension à adopter la forme du corps.  Les coques moulées s’adaptent à la morphologie de l’individu. L’une des plus grandes avancées en ce qui concerne les matériaux est l’utilisation des fibres en carbone. En 1988, Graf et Dauny les emploient pour concevoir un corset qui a un tout autre design et permet une action dans les trois dimensions, restaurant le plan sagittal         de la colonne. Les fibres en carbone sont utilisées en aéronautique, dans la fabrication des voitures de sport, des pales des éoliennes ou encore de vélos. Elles allient résistance et légèreté et ont la particularité de collecter l’énergie pour la libérer par la suite. Leur introduction en orthopédie permet de fabriquer des corsets dits à correction dynamique. « Quand le corps entraîne le corset dans une direction, celui-ci le ramène dans la position idéale », explique Benoît Baumgarten, orthoprothésiste et ergothérapeute.

L’arrivée du numérique

Les techniques de moulage ont également considérablement évolué. C’est vrai, par exemple, pour la fabrication de sièges pour les personnes en situation de handicap majeur (voir encadré ci-contre). Mais c’est également vrai pour les corsets employés pour des pathologies plus fréquentes comme la scoliose grâce à l’apport de la radiologie en trois dimensions. « La radiologie en trois dimensions nous amène à appréhender la scoliose de façon différente. Elle a modifié la technique du moulage. Jusqu’à présent, nous appréhendions la scoliose par rapport à deux axes : l’axe sagittal et l’axe frontal. La radiographie, en nous apportant une troisième dimension - le plan horizontal -, nous permet des prises de mesures qui nous amènent à réaliser des moulages plus dynamiques. La prise de vue en 3D est analysée par ordinateur. Dès la conception, grâce aux calculs mathématiques de l’ordinateur, nous pouvons optimiser le corset que nous fabriquons pour le patient et l’adapter à son type de scoliose », détaille Benoît Baumgarten, orthoprothésiste et ergothérapeute. Ce n’est pas le seul intérêt de la radiographie en 3D. Celle-ci permet de visualiser l’apport au long cours de l’appareillage. Les évolutions dans le domaine de l’imagerie médicale et dans le domaine du numérique ont considé­rablement fait évoluer l’appareillage orthopédique. Et il est probable que cette évolution ne fasse que commencer.

Corsets sièges : de la fonctionnalité au design

Certaines personnes présentent une déficience plus ou moins grave qui se traduit, entre autres, par une perte du tonus axial. Elles ont donc du mal à se tenir seule en position assise. C’est le cas des personnes souffrant de déficiences majeures d’origine neurologique, orthopédique ou congénitale. « Le rôle de l’orthoprothésiste est de les mettre dans la position la plus confortable possible dans la journée », commente Benoît Baumgarten. Il va confectionner une orthèse de maintien en position assise, réalisée sur mesure. C’est le corset siège ou siège moulé qui doit s’adapter au support roulant permettant à la personne de se déplacer. Jusqu’à une date relativement récente, la prise de mesures passait par un moulage en plâtre. Aujourd’hui, la conception et la fabrication de ces sièges moulés sont assistées par l’ordinateur et passent par une autre technique de moulage, réalisé à l’aide de coussins à dépression comme en utilisent les pompiers auprès des blessés de la route. Ces coussins d’air sont remplis de micro-billes qui, une fois l’air évacué, vont se souder entre elles et constituer une coque qui va permettre de réaliser une prise de mesures en trois dimensions. En parallèle de la recherche du meilleur confort et de la meilleure fonctionnalité possibles, les fabricants mettent davantage de soins au design des produits à la disposition des personnes en situation de handicap. « Certains adolescents infirmes moteurs cérébraux (IMC) refusent d’être positionnés dans quelque chose de trop massif, de trop englobant et recherchent quelque chose de plus esthétique », témoigne Benoît Baumgarten. Il y va d’ailleurs du regard que les tiers portent sur le handicap.

Au secours du mal du siècle

Face à la croissance exponentielle du nombre de personnes souffrant de maux de dos, les ceintures lombaires offrent une alternative efficace aux traitements médicamenteux et permettent de soulager la douleur.

Si la ceinture lombaire n’existait pas, il faudrait l’inventer tant le mal de dos est le mal du siècle. Rares sont les personnes qui n’en porteront pas une au cours de leur existence. Ses indications principales : la lombosciatique mais surtout la lombalgie commune, qu’elle soit aiguë, subaiguë ou récidivante.

La plupart du temps, la cause des douleurs lombaires est mécanique ou traumatique, une mauvaise posture ou le port de lourdes charges qui finit par exercer une pression sur les disques intervertébraux.

L’objectif du port de la ceinture lombaire est d’empêcher la chronicisation du mal. Son utilisation évite le recours aux antalgiques, notamment aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Mais surtout, en soulageant la douleur, elle permet de mener une vie normale. D’autant qu’un lombalgique qui reste au lit est un futur lombalgique chronique, un état pouvant souvent conduire à la dépression.

Une ceinture est constituée d’un tissu, d’un gainage plus ou moins élastique et de baleines métalliques plus ou moins rigides qui font office de tuteurs. Ainsi conçue, la ceinture augmente la rigidité de la cavité abdominale qui voit son rôle de tuteur de la colonne lombaire renforcé. L’augmentation de la pression intra-abdominale permet de mieux répartir les forces entre le haut du corps et le bassin. Ce faisant, la pression sur les disques intervertébraux s’en trouve allégée. Dans la vie quotidienne, la ceinture permet de mieux contrôler le soulèvement de lourdes charges.

Par ailleurs, le port d’une ceinture lombaire réduit la mobilité de la colonne et soulage la douleur. Ces effets sont bien ressentis et bien tolérés par le corps et, pour peu que la ceinture ne gratte pas, elle sera bien supportée toutes les fois qu’elle sera nécessaire.

La ceinture prévient donc les accidents ou incidents douloureux mais n’empêche pas de se mouvoir, de réaliser les actions de la vie quotidienne, voire de faire du sport, du vélo, par exemple. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la ceinture lombaire n’est nullement responsable d’une perte de volume musculaire.

La première grande innovation a été l’utilisation de fils élastiques pour la réalisation de ceintures lombaires de série. Il a donc été possible de produire des gammes de ceintures adaptables à plusieurs tailles et à différents profils anatomiques. L’utilisation de tissus élastiques permet de mieux contrôler la pression abdominale ainsi que la position des baleines dorsales qui font fonction de tuteur du rachis lombaire.

La variété des matériaux et des tissus à la disposition des fabricants – les fibres hydrophiles ou au contraire hydrophobes – permet de fabriquer des tissus plus ou moins aérés, des tissus qui respirent. La ceinture étant portée à même la peau, cela évite les problèmes d’inconfort.

Puis vinrent les matériaux à changement de phase qui ont la particularité de passer de l’état solide à l’état liquide en fonction de la température. Intégrés au tissu, ils absorbent la chaleur et, quand le corps en a besoin, ils la lui restituent. Ce procédé permet donc de réguler la température corporelle et évite une transpiration excessive. On connaît depuis longtemps les vertus antalgiques du chaud et du froid, notamment sur les douleurs musculaires et articulaires (voir encadré p.13). C’est pourquoi, on ajoute aujourd’hui aux ceintures lombaires un pack thermique intégré. Le concours d’un pack préalablement chauffé renforce l’action antidouleur de la ceinture. La chaleur décontracte les muscles dorsaux et soulage le mal de dos. A l’inverse, le froid limite la réaction inflammatoire et les œdèmes. Il est d’ailleurs recommandé en cas d’entorse ou d’accident lombalgique.

De la NASA aux halls de gare

Les matériaux à changement de phase utilisés dans les ceintures lombaires sont issus d’une technologie développée par la NASA pour les combinaisons de ses astronautes. La même technologie est employée aujourd’hui dans les gilets pare-balles que l’on voit sur le dos des militaires et policiers dans les rues, les gares et les aéroports. En même temps qu’il est protégé des balles, le soldat en faction ou en marche est protégé... de sa propre transpiration !

Le chaud, le froid et la douleur

Pourquoi le chaud et le froid soulagent-ils la douleur ? Parce que les fibres sensorielles du toucher qui transmettent la sensation de chaud et de froid sont plus grosses que les fibres nociceptives qui transmettent la sensation de douleur. Donc le message qu’elles véhiculent arrive plus vite au cerveau que le message douloureux. Il lui ferme la porte en quelque sorte. Ce phénomène est appelé Gate control.

Femmes enceintes : pour une fois, bébé fera ceinture

Les douleurs lombaires affectent nombre de femmes enceintes. Mais celles-ci ne peuvent être soulagées par les antalgiques dont la plupart sont contre-indiqués au cours de la grossesse. Jusqu’à une date récente, le port d’une ceinture lombaire leur était aussi déconseillé car elle comprimait le ventre. Le travail réalisé par les fabricants, en collaboration avec les sages-femmes et les gynécologues, a permis de mettre au point une ceinture particulièrement adaptée à la grossesse. Celle-ci ne maintient pas le ventre et donc ne le comprime pas mais évite les douleurs du dos qui risqueraient de contraindre à l’immobilité avec tous les risques de chronicisation que cela entraînerait.

Cela a été rendu possible notamment grâce à l’analyse de la posture de la femme enceinte réalisée avec les sages-femmes. En enserrant le bassin, la bande de la ceinture d’une force élastique élevée appuie sur le sacrum et décambre la colonne lombaire. En favorisant une contre-bascule du bassin, elle libère le rachis lombosacré et le diaphragme. Les forces qui pèsent sur la colonne sont mieux réparties.

Les baleines dorsales en acier conformable font office de tuteur anatomique et allègent les contraintes qui pèsent au niveau des vertèbres lombo-sacrées. Réalisée dans un tissu en microfibres, cette ceinture peut se porter à même la peau. Elle est maintenue par un voile abdominal qui ne comprime pas le ventre et protège donc le fœtus.

« On l’appelle Minerve »

Les orthèses cervicales sont indiquées pour les torticolis, les arthroses cervicales, les entorses cervicales, ce que l’on nomme le coup du lapin et les accidents traumatiques. Selon les cas, on emploiera un collier ou une minerve.

La minerve soulage le rachis cervical en prenant appui sur le maxillaire et le torse. La pression qui pèse sur les vertèbres s’en trouve diminuée. Elle est surtout utilisée pour immobiliser la colonne cervicale et, dans les accidents traumatiques, pour prévenir les risques de tétraplégie.

Le collier est une bande plus ou moins rigide en mousse et polyuréthane placée sous le menton et qui prend appui sur les clavicules. L’amplitude des mouvements est limitée ainsi que la tension musculaire. Là aussi, sans le soutien d’une orthèse, il existe un risque de chronicisation.

Dans l’Antiquité, chez les Romains, Minerve est la déesse de la sagesse, des arts et des sciences. C’est une déesse guerrière au port altier, portant lance et casque et une sorte de cuirasse, l’égide. La mythologie ne dit pas si elle souffrait du cou.

Au XIXe siècle, l’orthèse, que l’on appelle minerve, est constituée d’une pièce d’appui thoracique, qui forme comme une cuirasse, et de pièces de redressement pour ramener le cou et la tête dans la rectitude. Elle est d’ailleurs utilisée pour le maintien des jeunes filles de bonne famille. Le bon, le beau et le sain se confondent encore : la bonne tenue morale se reflète dans la rectitude physique.

La minerve actuelle n’a plus grand chose à voir avec ces appareils contraignants. Conçue dans des matériaux plus légers, elle est nettement plus supportable. Les principaux progrès ont consisté dans la création de tissus hypoallergéniques mais surtout dans la réalisation de mousse à mémoire de forme.

Il existe aujourd’hui quatre types de collier cervical, selon le degré de soutien recherché (léger, moyen ou fort) et la possibilité ou non de régler leur hauteur. En cas d’entorse cervicale sans fracture ou de fracture sans déplacement, on recourt à un collier, appelé aussi mini-minerve, qui sera porté deux ou trois mois.

On distingue quatre types de minerve. Le premier en mousse de haute densité. Le second, en plus de la mousse, possède un renfort rigide à l’intérieur de la mousse. Les deux derniers types sont faits dans d’autres matériaux que la mousse, comme le polyéthylène. Il existe des minerves à base thoracique qui immobilisent à la fois le rachis cervical et le rachis thoracique haut, voire des corsets minerves qui immobilisent tout le rachis.

Des appareils aujourd’hui à portée de main

Dans la vie courante, les risques de porter une orthèse du poignet ou de la main sont nombreux, qu’il s’agisse d’un accident domestique, du travail ou d’une maladie professionnelle. Certaines pathologies, plus ou moins évolutives, justifient également de recourir à un appareillage. L’usage des orthèses est donc fréquent en traumatologie et en rhumatologie.

On distingue deux grandes familles d’orthèses du membre supérieur. Les orthèses statiques d’immobilisation visent soit à mettre au repos une ou plusieurs articulations, soit à prévenir ou à corriger une déformation, soit à traiter une inflammation ou un traumatisme. Les orthèses dynamiques, souvent plus complexes, visent, elles, à récupérer, entretenir ou suppléer une fonction déficitaire en exerçant une pression sur un ou plusieurs segments anatomiques. Un point fondamental pour comprendre les enjeux que doivent relever les orthèses des membres supérieurs est que les doigts, la main, le poignet, le coude et l’épaule sont extrêmement solidaires pour le moindre mouvement.

Comme pour le rachis, les orthèses du membre supérieur peuvent être fabriquées en série ou sur mesure pour s’adapter à la morphologie du patient. Pour ce faire, les industriels mettent à la disposition des orthoprothésistes des composants préfabriqués en kit.

Compte tenu des effets recherchés et de la complexité de l’anatomie de la main, du poignet, de l’épaule ou du coude, il existe quantité d’orthèses différentes dont chacune comporte une indication précise. La plupart sont utilisées en complément d’un traitement chirurgical, de la kinésithérapie ou de l’ergothérapie.

Leur évolution a accompagné les connaissances biomécaniques qui ont fait des progrès importants au siècle dernier. Dans le même temps, les fabricants et les professionnels ont eu à leur disposition de nouveaux matériaux. Enfin, dans la mesure où la meilleure orthèse est celle qui est portée, d’énormes progrès ont été faits pour améliorer le confort et la simplicité d’utilisation.

Main traumatique et main rhumatismale

Les orthèses de la main, des doigts et du poignet permettent d’immobiliser le membre lorsque cela est nécessaire ou de le soulager lors de certaines actions douloureuses. Il en existe désormais de multiples afin de s’adapter à chaque indication.

Plusieurs situations peuvent amener un médecin à prescrire une orthèse à son patient : une entorse, une fracture, une lésion tendineuse, une brûlure… C’est ce que les spécialistes appellent la main traumatique. L’état du patient peut cependant nécessiter une intervention chirurgicale. Le cas échéant, en attendant, le port d’une attelle immobilise le membre ou l’articulation. Et une orthèse est bien souvent nécessaire pour accompagner la rééducation qui s’ensuit.

Par ailleurs, l’inflammation de l’articulation ou une usure du cartilage, par exemple, provoquent une douleur que l’orthèse peut soulager. C’est ce que l’on appelle la main rhumatismale. En fonction des cas, le but recherché et les moyens mis en œuvre diffèrent. En traumatologie, il s’agit surtout d’immobiliser une articulation ou un membre le temps de la consolidation ou de la cicatrisation puis, éventuellement, de récupérer une fonction. Le port de l’orthèse est généralement continu mais de courte durée. Ce que le patient réclame surtout, c’est de retrouver le plus vite possible l’usage de sa main, de ses doigts ou de son poignet.

En rhumatologie, il en va tout autrement « car il s’agit de soulager la douleur ou d’assister une fonction, voire d’éviter l’ankylose », ainsi que l’explique Gérard Anglada, orthopédiste orthésiste. La personne atteinte d’arthrose, d’arthrite ou d’une pathologie invalidante acceptera le port prolongé d’une orthèse pourvu qu’elle ne souffre plus ou qu’elle puisse effectuer les actes de la vie quotidienne. Beaucoup de ces orthèses sont portées plutôt la nuit ou à l’occasion d’une tâche particulière.

L’orthèse statique va immobiliser l’articulation ou le membre. Habituellement, il s’agit d’immobiliser le segment sus et sous-jacent. C’est le principe classique de l’attelle. Le port d’une orthèse d’immobilisation la nuit va permettre de relâcher les tensions douloureuses, de calmer l’inflammation ou de réduire les contractures. Pour certaines pathologies évolutives, l’objectif est également d’éviter les déformations des doigts ou de la main. L’orthèse dynamique peut exercer une pression sur une phalange, un doigt ou la main toute entière pour leur permettre de récupérer un mouvement d’extension ou de flexion. On va adjoindre à l’orthèse de base un moteur qui va dynamiser l’appareillage : lames ressorts, fils élastiques guidés par des poulies montées sur une potence, charnières… Il y a une trentaine d’années, l’orthésiste réalisait des orthèses plus ou moins semblables. Celles-ci ne différaient qu’en fonction des principaux segments : doigt, main, poignet. « On faisait plus ou moins la même orthèse, quelle que soit l’indication », témoigne Sylvain Célérier, kinésithérapeute et orthésiste, Secrétaire général du Groupe d’étude de la main et du membre supérieur en orthèse et rééducation (GEMMSOR). Aujourd’hui, avec l’avancée des connaissances, les pratiques ont considérablement évolué et les orthèses se sont grandement différenciées. Il y a presque autant d’orthèses qu’il y a d’indications et de situations différentes. C’est certainement dans la famille des orthèses de la main que la gamme des produits est la plus étendue.

Le respect des règles biomécaniques

La biomécanique traite des propriétés mécaniques des êtres vivants et des relations entre la structure d’un organe et sa fonction. Elle analyse les réactions des matériaux biologiques – en orthopédie, plus particulièrement, les os, les muscles ou les cartilages – aux forces et aux contraintes externes qu’ils subissent, leur résistance ou leur élasticité. Cette discipline a lentement émergé au cours de l’Histoire. Aristote, le premier, s’est penché sur le mouvement des animaux. Léonard de Vinci s’est inspiré de l’observation des muscles du cheval pour utiliser au mieux la force animale dans la traction des machines. Descartes comprend que l’ensemble du vivant est guidé par les mêmes lois mécaniques. Giovani Alphonso Borelli parvient à situer le centre de gravité du corps humain. La Révolution industrielle s’accompagne d’une meilleure connaissance des lois physiques. Mais il faut attendre le milieu du XXe siècle pour que l’on tire tout le bénéfice des règles de la biomécanique à la conception des orthèses. « Avant, il régnait le plus grand flou dans l’application de forces de traction. Certaines orthèses ne pouvaient pas avoir d’action sur l’articulation car on ne respectait pas l’anatomie et les lois physiologiques. Depuis, on s’est aperçu que l’on adoptait une force en fonction de l’indication initiale et de la configuration anatomique de l’articulation à assister. Cette force peut parfaitement être quantifiée et calculée, » commente Sylvain Célérier. Le poignet, par exemple, est un complexe articulaire soumis à des règles biomécaniques très précises qu’il convient de respecter et dont va dépendre la position de l’orthèse en fonction de la lésion et du déficit fonctionnel repérés. La connaissance et l’application des lois de la bio-mécanique sont donc une première évolution. « Elle va induire le choix des matériaux, leur épaisseur et le choix du contre-appui qui doit être adapté à la traction à effectuer » poursuit Sylvain Célérier.

L’emploi des orthèses dynamiques

L’idée de motoriser un gant par un câble de traction entraîné par un ressort remonte au XIXe siècle. Elle vient de Duchenne de Boulogne et figure dans son ouvrage « Physiologie du mouvement » publié en 1867. Cependant, les orthèses dites dynamiques nous sont venues majoritairement des États-Unis dans les années soixante-dix. Ce sont elles qui permettent de récupérer ou de suppléer la mobilité du poignet ou des doigts. Elles vont tenir un doigt ou tout autre membre en flexion ou en extension selon les cas. Ainsi en va-t-il de l’orthèse dynamique d’extension IPP articulaire à la suite d’une entorse Inter-phalangienne proximale (IPP) qui, négligée, est susceptible d’évoluer en doigt en crochet. La lésion d’un ligament entraînant une rétraction, elle nécessite, elle aussi, une assistance. « L’orthèse dynamique va lutter contre cette rétraction. Elle travaille pour le patient », explique Sylvain Célérier. Ces orthèses sont dynamisées soit par un tissu élastique, soit par des leviers en acier ou des tiges en cordes de piano. Ces dispositifs ont rapidement secondé les interventions chirurgicales. Ils peuvent être réglés par le patient lui-même en fonction de la récupération de l’amplitude articulaire à obtenir.

L’apport de la chirurgie

On peut distinguer deux époques de la chirurgie de la main. Avant 1970, la réparation chirurgicale de la main était suivie d’une immobilisation plâtrée. Depuis, le plâtre a fait place à une mobilisation protégée assurée par une orthèse dynamique. La chirurgie de la main a en effet considérablement évolué du fait de l’innovation technologique : miniaturisation du matériel chirurgical, progrès dans la résistance des sutures de tendons, innovation en matière d’implants prothétiques. « Auparavant, on attendait que l’implant s’intègre sans mobilisation précoce, explique Sylvain Célérier. Mais aujourd’hui, grâce aux nouveaux implants, on peut utiliser une orthèse pour une mobilisation précoce des articulations et entreprendre la rééducation plus rapidement. Les orthèses post-opératoires vont permettre aux patients de s’auto-rééduquer chez eux. »  Cette rééducation plus précoce leur permet de rentrer chez eux et de reprendre plus rapidement leurs activités quotidiennes et leur travail. La microchirurgie a par ailleurs amélioré la récupération neuronale. Les séquelles s’en trouvent atténuées. Et les orthèses entrent en complément du traitement chirurgical.

L’arrivée des matériaux nouveaux

Les gants en acier datent du Moyen-Âge. Mais l’acier n’est aujourd’hui plus utilisé que pour les lames ressorts des orthèses dynamiques. Le cuir, lui, a été utilisé dans les orthèses d’immobilisation du poignet mais il était difficile à modeler. Le plâtre n’est plus guère utilisé que pour réaliser des orthèses d’immobilisation provisoires. La résine a également été employée pour la confection d’orthèses rigides ou semi-rigides, lors de l’utilisation de résine souple. Mais, incontestablement, le développement des plastiques thermoformables à partir des années soixante a été déterminant, permettant la réalisation d’orthèses sur mesure, tout à la fois rigides et légères. Depuis 1980, l’emploi de plastiques thermoformables à basse température a permis la confection d’orthèses directement modelables sur le patient, sans passer par un moulage en plâtre. Les plaques de plastique mises à la disposition des orthésistes peuvent être macroperforées ou microperforées selon que l’on recherche la légèreté ou la précision du moulage. Outre ces avantages, la perforation des matériaux évite la macération et permet la cicatrisation. Les plaques peuvent se présenter sous forme de bandes qui, ramollies à l’eau chaude, se déroulent comme des bandes plâtrées. « Les thermoformables basse température sont d’une grande facilité d’utilisation, témoigne Sylvain Célérier. Ils sont beaucoup plus légers que le plâtre et font gagner un temps considérable. L’activation du matériau thermoformable en le passant au four à chaleur humide à une température comprise entre 60 et 80 degrés prend cinq minutes, le modelage à peu près le même temps. De la prise de mesures à la finition, il faut compter une demi-heure. En revanche, leur emploi nécessite un savoir-faire particulier. » Le moulage de ces orthèses peut être réalisé directement sur le patient à partir des mesures prises et reportées sur un patron. Grâce à leur mémoire de forme, ces matériaux thermoformables à basse température peuvent être retransformés en fonction de l’évolution d’une pathologie. D’autres orthèses sont faites à partir d’une base en tissu plus ou moins élastique sur laquelle on vient ajouter des matériaux plastiques ou métalliques permettant d’immobiliser la main. A l’avenir, certains mouvements pourront être programmés et commandés par électromyostimulation, à l’exemple de ce qui se fait déjà pour certaines orthèses du membre inférieur.

La production en série

Si les premières orthèses du membre supérieur étaient faites sur mesure, les fabricants se sont inspirés de la production artisanale pour fabriquer des produits en série mais adaptables au plus grand nombre de patients possible. La production en série offre un autre avantage : la mise à disposition d’une orthèse rapidement et dans toutes les pharmacies du territoire. En cas de fracture ou d’entorse, le délai d’intervention est primordial. « Certaines indications ne peuvent être différées », souligne Sylvain Célérier. Or, on trouve facilement une orthèse d’immobilisation du pouce ou du poignet en pharmacie alors même qu’il n’est pas toujours aisé de trouver un orthésiste à proximité de chez soi.

Vous avez dit « trapézo-métacarpienne » ?

Une femme sur cinq aura une rhizarthrose, ou arthrose de l’articulation trapézo-métacarpienne, autrement dit, l’arthrose du pouce. Derrière ces noms savants, se cache une affection fréquente qui peut entraîner une douleur ressentie à la racine du pouce, entre le premier métacarpien et un os du poignet, appelé trapèze. Outre la douleur, la rhizarthrose peut être responsable d’un enraidissement du pouce et d’un manque de force lorsque l’on saisit un objet entre le pouce et l’index. Le pouce peut aussi se déformer et prendre une forme en Z. Une bosse apparait au niveau de l’articulation.

Si la plupart des patientes ne souffriront pas du mal, une sur cinq devra être traitée. Le repos articulaire est alors recommandé. Les orthèses fabriquées en série, disponibles en pharmacie, offrent une gamme de tailles permettant de traiter les patientes. Les orthèses sur mesure, elles, s’adaptent parfaitement à la correction de la déformation.

Le syndrome du canal carpien, un Encombrement au niveau du poignet

Une femme sur dix environ est touchée par le syndrome du canal carpien*. Il se manifeste par des engourdissements ou des picotements à la main et aux doigts, une douleur au poignet et à la paume, accompagnés d’une perte de force musculaire. Ces symptômes qui apparaissent généralement autour de la cinquantaine sont dus à la compression du nerf médian au poignet. A cet endroit, le nerf ainsi que les tendons fléchisseurs des doigts traversent une sorte de tunnel, le canal carpien. Ce canal peut se trouver encombré par une inflammation, par exemple, et, dans ce cas, le nerf médian sera comprimé. Le sommeil à poings fermés sollicite les tendons et les symptômes peuvent être plus vifs la nuit au point de réveiller la personne qui en souffre.

Les causes du mal peuvent être multiples et se conjuguer : mouvements répétitifs du poignet, postures contraignantes de la main, vibrations répétées…

Le port d’une attelle de repos durant la nuit peut constituer un accompagnement, voire une alternative appréciable aux traitements médicamenteux. Les progrès dans la fabrication des orthèses permettent d’utiliser une orthèse fabriquée en série dont l’articulation du poignet est réglée grâce à une molette en fonction des besoins et du ressenti du patient. Les orthèses sur mesure, quant à elles, respectent mieux le galbe physiologique et veillent à la position de 10° de flexion, sans suraugmentation de la pression intracanalaire.

* Les hommes sont nettement moins touchés. Seuls, entre 3 et 4 % d’entre eux sont concernés.

Un point faible : l’épicondyle

Les progrès réalisés en matière d’orthèses pour cette articulation-clé dans la mobilité du membre supérieur qu’est le coude ont permis de les rendre aujourd’hui plus confortables et donc d’en favoriser l’observance.

En plus de permettre le fléchissement et l’extension du bras, le coude joue un rôle dans la pronosupination. Tout déficit de cette articulation, qu’il soit consécutif à une rupture ligamentaire, à une fracture ou à toute autre cause, handicape l’ensemble du membre supérieur. Impossible, par exemple, de tourner la main, a fortiori de la porter au visage si le coude ne fonctionne pas. Le port d’une orthèse vise à rétablir ces fonctions ou à y suppléer. Cependant, la pathologie la plus fréquente du coude est l’épicondylite, bien connue des joueurs de tennis (le fameux tennis elbow). Il s’agit d’une inflammation dans la zone d’insertion des muscles de l’avant-bras sur la partie extérieure du coude – l’épicondyle – due à une lésion tendineuse. Elle est généralement provoquée par des gestes répétés de l’avant-bras et du poignet lors d’activités manuelles ou sportives. Cette pathologie est aussi fréquente à cause du développement de l’informatique (utilisation du clavier et de la souris). Le port d’une orthèse va alors soulager ou prévenir la douleur.

Dans le cas de l’épicondylite, l’orthèse va soulager la douleur en diminuant les tensions qui pèsent sur l’insertion des muscles. Coudière et bracelet jouent un rôle semblable. Le bracelet de compression exerce sur l’avant-bras une pression constante afin que la contraction musculaire ne provoque aucune tension excessive sur les tendons. La coudière assiste le coude et le maintient. Elle est également utilisée en cas d’entorse bénigne ou de séquelles de luxation.

Il est parfois nécessaire d’immobiliser le coude par le port d’une orthèse rigide. Elle est portée préférentiellement la nuit où elle est mieux tolérée. Dès que le patient peut utiliser son coude, il pourra porter un bracelet. Néanmoins, il faut prendre soin de l’ôter régulièrement pour éviter les risques de compression nerveuse. On peut également immobiliser temporairement le poignet pour éviter les mouvements qui sont à l’origine du mal. On utilise alors une orthèse de la main. Quel que soit le procédé choisi en fonction du degré de douleur ressentie, l’orthèse a un rôle complémentaire : il s’agit de limiter la chronicité.

Concernant les orthèses de coude, on peut recourir à une orthèse statique rigide qui maintient le coude dans une position donnée pour le protéger. Elle est indiquée en cas de rupture ligamentaire ou d’instabilité articulaire. Mais il existe également des orthèses articulées qui visent, au contraire, à retrouver une amplitude perdue à la suite d’une raideur articulaire ou d’une intervention chirurgicale, en maintenant le coude en extension ou en flexion.

D’une manière générale, et tout comme pour la main, les progrès de la microchirurgie et l’arrivée de nouveaux matériaux ont fait évoluer la conception des orthèses du coude. Néanmoins, la gamme des différentes orthèses imaginées ont des caractéristiques spécifiques et ont bénéficié de progrès qui leur sont propres. Il y a une trentaine d’années, les fabricants ont imaginé d’adjoindre aux coudières des pelotes pour cibler une zone précise. A la différence du bracelet qui cible la circonférence de l’avant-bras, ces pelotes exercent une légère pression sélective à l’endroit choisi pour limiter la force de contraction : on dérive la force qui agit sur les muscles fléchisseurs et extenseurs. Aujourd’hui, non seulement certaines orthèses sont conçues pour intégrer ces pelotes mais on peut également y intégrer un pack réfrigérant ou qui diffuse des produits actifs.

L’attention portée au confort des orthèses est tout aussi déterminante. L’effet du produit ne se fait sentir que durant sa durée d’utilisation. Si l’effet garrot de l’orthèse est trop important, le patient va l’abandonner. L’accent a donc été mis sur la qualité des textiles. Ne jamais oublier que la peau est, elle aussi, un organe sensible.

Faire travailler l’articulation

En traumatologie, les innovations ont porté, au fil du temps, sur l’amélioration des différents dispositifs destinés à limiter l’amplitude articulaire du coude. Certaines orthèses permettent de contrôler l’amplitude du coude, elles autorisent les mouvements jusqu’à un certain point qu’il est possible de fixer par un système de blocage. L’orthèse peut être dynamisée jusqu’à un angle donné au-delà duquel la tension s’arrête. Elle peut être dynamisée par des éléments élastiques ou des ressorts métalliques pour exercer une force correctrice et faire travailler l’articulation. Il convient évidemment d’apprécier la force que l’on peut lui appliquer. Enfin, certaines orthèses sont dynamisées par un véritable moteur. Elles sont utilisées dans le cas de dysfonctionnement neurologique.

Les systèmes de réglage se sont perfectionnés afin de permettre au patient de les régler lui-même si nécessaire. Les orthèses doivent également permettre au patient d’utiliser son bras et sa main autant que possible. Enfin, le design et le confort ont été au centre des préoccupations. Le premier problème est l’observance. Il faut arriver à faire un produit qui soit utilisé, fonctionnel, efficace et le moins gênant.

Au nom de l’autonomie, du confort et de l’hygiène

Tout comme le coude, l’épaule joue un rôle majeur dans la mobilité du membre supérieur. Les efforts en matière d’orthèse d’épaule se sont alignés au fil du temps sur le point de vue des patients, leur offrant un confort accru et une plus grande facilité de pose.

L’épaule est l’articulation la plus mobile du corps. Elle est composée de trois os (la clavicule, l’omoplate, appelée aussi scapula, et l’humérus) et de cinq articulations dont notamment acromio-claviculaire, sterno-claviculaire et scapulo-humérale. C’est au niveau de cette dernière que la tête de l’humérus se loge dans une cavité de l’omoplate. Nombre de ligaments et de tendons lient les os entre eux. Les tendons des muscles, qui s’insèrent sur la tête de l’humérus et la recouvrent, formant ce que l’on appelle la coiffe des rotateurs. L’intégrité de l’épaule est nécessaire pour tous les mouvements du membre supérieur, y compris les mouvements de préhension de la main.

L’épaule est très vulnérable. Trois situations peuvent conduire à porter une orthèse : l’inflammation, l’usure des tendons, notamment ceux de la coiffe des rotateurs, et les traumatismes divers dont le plus grave est l’arrachement du plexus brachial   qui conduit à la paralysie du membre supérieur.

Le plus souvent, il convient de stabiliser l’épaule à la suite d’un traumatisme ou d’une intervention chirurgicale. Il existe différents types d’orthèse d’immobilisation, selon que l’on recherche une immobilisation totale ou partielle ou un simple soutien, ou que l’on veuille maintenir le coude au corps ou, au contraire, mettre le bras en abduction. Dans certains cas, on cherchera à aider l’articulation à retrouver sa pleine amplitude.

Trois objectifs ont guidé l’évolution des orthèses d’épaule : faciliter sa mise en place afin que le patient ait le maximum d’autonomie, régler l’angulation de l’articulation et, enfin, procurer un maximum de confort et d’hygiène.

Par ailleurs, les orthopédistes, dans le cas de traumatismes graves, ont dû concevoir des orthèses qui luttent contre la pesanteur qui s’exerce sur un bras inerte tout en maintenant solidaires les surfaces de l’articulation. Il a donc fallu concevoir des dispositifs qui le permettent.

Au fil du temps, plusieurs orthèses ont été conçues en fonction des différentes indications. Elles sont généralement fabriquées en tricot. On utilise aujourd’hui des textiles respirants et élastiques, plus faciles à porter et à supporter. La simple épaulière, recommandée pour des douleurs de l’épaule ou en prévention d’une luxation, a, elle aussi, connu des progrès. Grâce à leur élasticité et à la possibilité d’y placer une pelote amovible, elles exercent une pression à l’endroit choisi pour résorber un œdème, par exemple. En règle générale, les textiles sont extensibles pour exercer un effet mécanique de massage. Ces épaulières accompagnent une reprise d’activité.

La recherche du point de vue de l’utilisateur

Sans être aussi spectaculaires, certains matériaux nouveaux, tels que les tissus respirants, apportent davantage de confort à la personne qui les porte. Les fabricants utilisent par exemple des mailles polaires pour apporter de la chaleur. Toutes ces innovations vont dans le sens d’une meilleure observance du port de l’orthèse, surtout si elle est destinée à être utilisée sur une longue période.

La conception des produits a beaucoup changé en vingt ans : les fabricants ont de plus en plus tenu compte du point de vue des usagers de sorte qu’ils puissent les utiliser dans le quotidien. Et, en matière d’orthèse du membre supérieur, la première difficulté tient dans sa pose avec une seule main. Il a donc fallu simplifier les attaches, qu’il s’agisse d’une sangle à boucler, d’une bande à fixer ou d’une gaine à enfiler. Les premières orthèses étaient difficiles à mettre et ne facilitaient pas la vie quotidienne. Or, il faut que la personne puisse continuer à effectuer les actes de la vie de tous les jours : s’habiller, faire la cuisine, faire le ménage… La forme, l’encombrement, le nombre de sangles, tout ceci en dépend... et s’est simplifié au fil des années.

Le ciblage des indications

Indiquée après une luxation ou une paralysie du plexus brachial, l’écharpe coude au corps soutient le poignet et le coude tout en maintenant en suspension l’avant-bras. Utilisé en cas d’une luxation de l’humérus ou en post-opératoire, le sac antébrachial permet une immobilisation du coude et de l’avant-bras tout en laissant une certaine mobilité à l’épaule.

Le gilet orthopédique est, quant à lui, un gilet de contention du membre supérieur dans son entier, avant-bras fléchi à 90 degrés et ramené devant l’abdomen. Non seulement il immobilise complètement le bras mais également la ceinture scapulaire à la suite d’une luxation, d’une entorse ou d’une fracture au niveau de l’articulation acromio-claviculaire.

Dans certains cas, il faut maintenir le bras en abduction, c’est-à-dire le tenir éloigné du tronc. Le but est d’immobiliser l’épaule dans une position qui va favoriser la cicatrisation des structures tendineuses et capsulaires, notamment après une rupture de la coiffe des rotateurs. Depuis une vingtaine d’années, il existe des orthèses thoraco-brachiales qui vont permettent un réglage précis de la flexion et de l’extension du coude mais aussi de l’abduction et de l’adduction  .  « Après l’intervention chirurgicale, le coude est placé à l’horizontale, explique le Pr Philippe Thoumie. Ainsi, le muscle relié est mis en raccourcissement. Puis, progressivement, on le ramène vers le corps de quelques degrés par jour. » n

Des orthèses en ordre de marche

Le membre inférieur est sans doute plus vulnérable que le membre supérieur. C’est lui qui assure la déambulation et c’est sur lui que pèse le poids du corps. L’anatomie des deux principales articulations concernées, le genou et la cheville, est d’une étonnante complexité. Or, un choc, une chute ou un faux mouvement ont vite fait de dérégler cette mécanique sophistiquée.

A l’évidence, les traumatismes sont les principales indications du port d’une orthèse avant, après ou à la place d’une intervention chirurgicale. Le genou est encore plus exposé que le poignet ou la main. La cheville, quant à elle, a un talon d’Achille bien spécifique : ses ligaments sont en effet souvent sujets aux entorses. Viennent, en second lieu, les évolutions dégénératives comme l’arthrose ou l’arthrite. Enfin, les orthèses sont également employées pour remédier à des malformations congénitales ou suppléer une fonction déficiente. Le pied, par exemple, qui peut être considéré comme une troisième articulation, est, lui aussi, sujet à des malformations plus ou moins accentuées ou à des traumatismes divers. Dans tous les cas, l’objectif de l’appareillage, qu’il soit grand ou petit, est de permettre à la personne de retrouver (ou de trouver) sa mobilité. Le recours à telle ou telle orthèse dépend évidemment des indications et des pathologies. Parfois, il s’agit de maintenir immobile l’articulation et de la mettre au repos. On emploie un appareillage dit de posture qui est positionné dans un angle précis pour permettre à l’articulation de récupérer un déficit ou éviter qu’il ne s’aggrave. Portées plutôt la nuit, les orthèses de posture sont surtout indiquées à la suite d’un accident. Le plus souvent, il faut permettre à l’articulation de se remettre en mouvement. Les orthèses fonctionnelles accompagnent la rééducation. Mais la plupart des orthèses sont des genouillères ou des chevillières réalisées dans des tissus ou des matières plus souples qui servent de supports actifs pour accompagner et sécuriser le travail de l’articulation tout en soulageant la douleur. Ce sont les produits les plus fréquents sur le marché en ce qui concerne le membre inférieur. D’importants progrès ont été apportés dans la conception et la fabrication des textiles des genouillères ou des chevillières. Et lorsqu’ils introduisent de nouveaux matériaux, le souci des industriels est de fabriquer des orthèses alliant une très bonne efficacité et une très bonne observance. Parallèlement à l’amélioration des petits appareillages, les fabricants et les chercheurs se penchent sur l’épineux problème posé par les grands traumatisés ou les grands invalides : l’aide à la marche.

Plier sans rompre

Les orthèses de genou se sont développées afin de répondre au mieux aux pathologies pour lesquelles elles vont intervenir (entorse, fracture ou rupture de tendon) et aux besoins associés (immobilisation ou aide aux mouvements).

Les genouillères sont particulièrement indiquées dans les entorses du genou. Elles ont pour objectif de combattre la douleur, de réduire, voire d’interdire pendant un temps la mobilité du genou et de le stabiliser. Elles laissent la place à des orthèses plus rigides lorsqu’à la suite d’une fracture ou d’une rupture de tendon, il convient d’immobiliser l’articulation et d’accompagner progressivement le retour aux mouvements du genou.

Dans tous les cas, la genouillère enveloppe le genou. Le but est à la fois de protéger l’articulation tout en l’accompagnant dans ses mouvements. Selon le degré d’immobilisation recherché, elles sont plus ou moins rigides.

Les genouillères tricotées remontent aux années cinquante. Elles étaient encore assez sommaires et assez peu élastiques. La première genouillère articulée date de 1985. Elle est réalisée dans un tissu élastique qui permet d’accompagner le mouvement de la jambe tout en exerçant une légère pression. Ces orthèses permettent une reprise d’activité plus rapide. Depuis, elles se sont encore perfectionnées. Leur découpe s’est allégée. La plupart des genouillères sont des produits qui peuvent être articulés. Celles-ci fournissent une certaine stabilité au genou tout en accompagnant ses mouvements de flexion/extension.

Accompagner la modification de la morphologie

Pour les orthèses d’immobilisation de genou, le défi lancé aux industriels est plutôt de concevoir une orthèse d’immobilisation suffisamment rigide pour être efficace mais qui ne pose pas de problème de maintien au niveau de l’articulation. En effet, quand un genou blessé ne peut plus bouger, il s’ensuit un déficit musculaire sur la jambe immobilisée. Tout le problème va donc consister à choisir une taille suffisante pour que l’attelle ne glisse pas. Or, comme les volumes musculaires en haut et en bas du genou ne sont pas cylindriques mais coniques, l’angle des cônes va varier avec la fonte musculaire. Il faut donc tenir compte de la variation d’angulation de ces cônes. Jusqu’à présent, il fallait revoir le produit pour le réajuster. On a d’abord allégé ces attelles de sorte qu’elles soient moins pesantes. Mais la véritable rupture technologique a été le passage d’orthèses composées de trois baleines à une coque dotée d’une simple baleine dorsale, coque dont les extrémités sont souples et vont suivre la morphologie du patient à la suite de la fonte musculaire. Cette conception radiotransparente facilite également la lecture des radiographies par le médecin.

Contrôler la remise en mouvement

Les attelles rigides conçues pour maintenir le genou au repos permettent à celui-ci de cicatriser rapidement. Mais il est nécessaire, dès que possible, que le patient puisse reprendre une marche normale. Il y a une vingtaine d’années, les premières orthèses fonctionnelles ouvraient la voie. Aujourd’hui, avec le développement de la chirurgie du genou en ambulatoire, les orthèses de remise en mouvement sont de plus en plus prescrites. « Les orthèses du genou employées notamment dans les cas d’entorse des ligaments croisés se sont développées en parallèle à la chirurgie, témoigne le Pr Philippe Thoumie. Elles peuvent être une alternative à la chirurgie ou utilisées en post-opératoire. »

Conception assistée par ordinateur

Mais les progrès ne se sont pas arrêtés là. La mise au point des orthèses se fait désormais grâce à la conception assistée par ordinateur et une précision accrue dans le développement. De même, la prise de mesures par scanner sur le patient permet de réaliser des orthèses sur mesure si besoin est.

Ce n’est pas là le seul emploi du numérique. On peut imaginer, par exemple, des objets connectés qui, intégrés à une genouillère, évalueraient la qualité de la marche. Cela existe déjà pour quantifier la marche et évaluer comment elle s’est améliorée. Toutefois, ces objets ne sont pas encore proposés à la vente non pas pour des questions techniques mais pour des questions éthiques. Qui récupère les données ? Qui va les analyser ? Que va-t-on en faire ? Pour l’instant, ces questions ne sont pas encore tranchées.

Tombent la neige et les skieurs

Sur les 8 millions de personnes qui ont arpenté les pistes de ski au cours de la saison 2014-2015, 150 000 se sont blessées. Le traumatisme constaté concerne le membre inférieur dans 46 % des cas, le membre supérieur dans 36 % des cas, le tronc dans 12 % des cas et la tête dans 6 % des cas. L’entorse du genou arrive en tête des diagnostics posés par les médecins : 29 % du total des diagnostics (et 34,5 % des diagnostics pour le seul ski alpin). Chez les femmes de plus de 25 ans, l’entorse du genou représente plus de la moitié des diagnostics et les ruptures des ligaments croisés antérieurs 35 %. Arrivent ensuite les lésions de l’épaule : 16 % des diagnostics.

Source : Association des médecins de montagne.

Contre les chevilles qui enflent

L’articulation de la cheville, sans laquelle la marche n’est pas possible, est aujourd’hui l’objet d’orthèses non seulement capables de redonner une certaine mobilité mais aussi, grâce aux progrès des matériaux et du design, de soulager la douleur elle-même.

La cheville comporte deux articulations : l’une entre les extrémités du tibia, du péroné (appelé aujourd’hui fibula) et l’astragale (deuxième os le plus long du pied) et l’autre entre ce même astragale et le calcanéum. Plus encore que le genou, la cheville est exposée aux entorses de plus ou moins grande gravité et à des chocs venant de toute part.

La plupart des chevillières sont en textile compressif, ce qui leur confère leur élasticité. Elles maintiennent les articulations au repos en diminuant la tension qui pèse sur elles, résorbent les œdèmes et soulagent la douleur. Cela dit, il se peut qu’une simple chevillière ne suffise pas et qu’il faille recourir à d’autres orthèses, à des coques plus rigides ou à des bottes de marche.

L’adjonction de packs réfrigérants dans les chevillières se fait de plus en plus souvent. Une fois passés au congélateur, ces packs peuvent s’insérer dans l’orthèse. Le froid a en effet une action antalgique. Il est indiqué dans le traitement des entorses de cheville particulièrement douloureuses.

Dans les cas plus sérieux où la cheville nécessite d’être immobilisée - les entorses graves ou les fractures simples - les praticiens recourent le plus souvent à des appareillages en plâtre ou en résine pour maintenir immobile la cheville. Les fabricants se sont orientés vers des produits plus légers. On trouve aujourd’hui des bottes de marche qui associent des coques plus courtes et plus fines à un système d’enveloppement de la cheville en tissu que l’on peut serrer par des lacets ou des sangles selon le niveau d’immobilisation que l’on veut obtenir. On associe à la fois des matériaux textiles et des matériaux rigides tels que du plastique, des métaux ou des matériaux composites.

Non seulement ces dispositifs doivent être faciles à enfiler mais ils doivent également être faciles à retirer. Les produits sont désormais plus aérés et fournissent une stabilité accrue. Cela permet au médecin un accès plus rapide à la zone lésée.

Quand la marche fait défaut

Ces dispositifs viennent en renfort pour les personnes dont la marche est rendue difficile. Ils sont aujourd’hui de plus en plus souvent dynamiques.

Ces orthèses aux noms compliqués servent à la marche de personnes atteintes de déficits moteurs importants, aux infirmes moteurs cérébraux, aux paraplégiques, aux poliomyélitiques… Il s’agit à la fois de les maintenir en station debout et de leur permettre d’avancer.

Les orthèses pelvi-pédieuses vont du bassin au pied, les orthèses cruro-pédieuses, de la cuisse au pied. Les deux types d’orthèses enveloppent la cuisse et la jambe et concernent les deux articulations. Si certaines sont des orthèses passives, il en existe aussi des dynamiques qui vont assister l’extension ou la flexion des articulations.

Jusqu’à une date récente, il semblait difficile de faire marcher un infirme dont les jambes refusaient d’avancer, parfois même de le soutenir. Ambroise Paré y songe pourtant et dessine des attelles qui ressemblent à des armures. Ce sont elles qui inspirent les premiers concepteurs d’attelles de la jambe. Celle de Fabrizio d’Acquapendente, au XVIe siècle, très ouvragée, s’apparente plus à une œuvre d’art qu’à un dispositif orthopédique. Ces armures au but curatif et non défensif seront utilisées durant les siècles suivants. Au XIXe siècle, les attelles sont constituées de montants en acier articulés, fixés au fémur et au tibia ainsi qu’à la chaussure.

le recours au duralumin

Cette conception de base s’est assez peu améliorée jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.  Cependant, en 1961, l’orthèse à deux montants est remplacée par une orthèse monotubulaire qui va se développer grâce à l’emploi du duralumin. La première orthèse monotubulaire en duralumin date de 1971. Les orthèses en cuir et en métal font progressivement place aux orthèses en thermoplastique puis en carbone. Les trois coexistent encore car les trois ont leur avantage. Le Pr Philippe Thoumie précise à ce propos : « Le design est le même. Il est globalement identique à ce qu’avait dessiné Ambroise Paré. L’appareil est plus léger mais il reste lourd. En revanche, on enregistre des avancées au niveau des dispositifs de verrouillage du genou. »

Une question de transmission

C’est dans le domaine des orthèses dynamiques que les mécanismes d’articulation sont les plus précieux, les plus nécessaires et les plus ingénieux. Il s’agit en effet de rendre mobile une orthèse sur laquelle le patient ne peut agir. Plusieurs dispositifs ont été inventés. Ils ne concernent pas que les orthèses destinées aux paraplégiques et sont appliqués à des orthèses indiquées dans des situations moins extrêmes. « Il existe des systèmes d’articulation dynamique avec des ressorts fixés entre la cuisse et la jambe qui vont la rendre dynamique, d’autres qui vont permettre à la cheville de se relever, détaille Benoît Baumgarten, orthoprothésiste. La nature des matériaux joue également un rôle. Ainsi en est-il du carbone avec lequel on fabrique des releveurs de pied. Mais la plus grande avancée consiste en un système qui permet une synergie entre la cheville et le genou, une transmission des appuis lors du développement du pas.  Dès lors, on peut imaginer des systèmes de vérins hydrauliques qui gèrent le système de marche avec des capteurs au niveau du pied qui vont commander l’articulation du genou. Cela existe déjà pour les prothèses et cela commence à se faire pour les orthèses. »

Trouver chaussure à son pied

Chaussures, chaussons et bottes orthétiques permettent aujourd’hui de remarcher, même à la suite d’un traumatisme ou d’une déformation sévères.

Les orthèses du pied peuvent s’avérer nécessaires à la station debout et à la marche. Elles sont employées à la suite de traumatismes mais aussi pour remédier à des malformations ou en cas de maladie neurologique ou d’affection rhumatologique.

Ça ne marche pas comme une chaussure classique ! On adjoint différents éléments de correction : une orthèse plantaire pour compléter un appui au sol, des ressorts disposés de part et d’autre des malléoles, des tuteurs pour stabiliser le pied, un capitonnage entre ces différents éléments et le pied pour éviter de le blesser et renforcer le confort.

Parfois, la chaussure peut être adaptée à l’orthèse qui est moulée sur le pied. Inversement, une orthèse qui enveloppe la cheville et la jambe peut se fixer à une semelle orthopédique.

Quand on pense chaussure, on pense cuir. Quant à la fameuse semelle orthopédique, on pense
au liège. De fait, les deux sont encore largement employés dans la confection des chaussures
orthétiques. Mais ce ne sont plus les seuls. La mousse a fait son apparition pour la fabrication de semelles. Thermoformable, elle peut être moulée et plus ou moins rigide. Les capitonnages sont quant à eux réalisés dans des mousses en latex ou en polyéthylène. « Nous avons aujourd’hui à notre disposition un panel de matériaux qui vont permettre, si on veut tenir un pied très déformé, de faire un chausson en silicone maintenu dans un orthèse en carbone ou en propyéthylène, explique Benoît Baumgarten, orthoprothésiste et ergothérapeute. Nous disposons d’un mixte de matériaux qui améliore le confort et de dispositifs beaucoup plus faciles à mettre en place. »

À savoir

Inspirées des vêtements de plongée

Utilisé dans les vêtements de plongée, le néoprène est également employé dans la confection d’orthèses souples. Il peut être renforcé par du plastique basse température.



Dernière mise à jour : 05/05/2021